Πρώτα παρατίθεται η απόφαση στην γαλλική γλώσσα,
όπως εκδόθηκε από το Δικαστήριο και βρίσκεται αναρτημένη
στην επίσημη σελίδα του (ΕΔΩ) και στην
συνέχεια στην αγγλική γλώσσα, στην οποία
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PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE CHOWDURY ET AUTRES c. GRÈCE
ARRÊT
STRASBOURG
30 mars 2017
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Chowdury et autres c. Grèce,
La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :
Kristina Pardalos, présidente,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Aleš Pejchal,
Robert Spano,
Armen Harutyunyan,
Tim Eicke,
Jovan Ilievski, juges,
et de Abel Campos, greffier de section,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Aleš Pejchal,
Robert Spano,
Armen Harutyunyan,
Tim Eicke,
Jovan Ilievski, juges,
et de Abel Campos, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 7 mars 2017,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 21884/15) dirigée contre la République hellénique et dont quarante-deux ressortissants bangladais (« les requérants »), dont les noms figurent en annexe, ont saisi la Cour le 27 avril 2015 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Les requérants ont été représentés par Mes V. Kerasiotis (membre du Greek Council for Refugees), M. Karavias et M. Papamina, avocats à Athènes, et MM. J. Goldston et S. Cox, respectivement directeur et avocat de la Open Society Justice Initiative. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par les délégués de son agent, M. K. Georghiadis et Mme K. Nasopoulou, assesseurs au Conseil juridique de l’État. Des observations ont également été reçues de la faculté de droit de l’université de Lund en Suède, la Confédération syndicale internationale, l’organisation Anti-Slavery International, le AIRE Centre (Advice for Individual Rights in Europe) et la PICUM (Platform for International Cooperation on Undocumented Migrants), que la présidente avait autorisés à intervenir dans la procédure écrite en tant que tierces parties (articles 36 § 2 de la Convention et 44 § 3 a) du règlement).
3. Les requérants alléguaient que leur travail dans les champs de fraises à Manolada s’analysait en un travail forcé et que leur situation relevait de la traite des êtres humains (article 4 de la Convention).
4. Le 9 septembre 2015, la requête a été communiquée au Gouvernement.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
5. Les requérants, des migrants bangladais vivant en Grèce sans permis de travail, furent...
recrutés à différentes dates entre octobre 2012 et février 2013 à Athènes et dans d’autres localités pour travailler dans la plus grande exploitation de fraises de la région, à Manolada, un village de 2 000 habitants situé dans le district régional d’Ilia, dans le Péloponnèse de l’Ouest. Dans la région, plusieurs unités de production, de différentes tailles, sont spécialisées dans la culture intensive des fraises. La production locale, qui couvre 90 % du marché grec, est destinée à 70 % à l’exportation. La plupart des ouvriers sont des migrants en situation irrégulière provenant du Pakistan et du Bangladesh. Certains sont employés dans les exploitations de manière permanente, d’autres sont saisonniers.
recrutés à différentes dates entre octobre 2012 et février 2013 à Athènes et dans d’autres localités pour travailler dans la plus grande exploitation de fraises de la région, à Manolada, un village de 2 000 habitants situé dans le district régional d’Ilia, dans le Péloponnèse de l’Ouest. Dans la région, plusieurs unités de production, de différentes tailles, sont spécialisées dans la culture intensive des fraises. La production locale, qui couvre 90 % du marché grec, est destinée à 70 % à l’exportation. La plupart des ouvriers sont des migrants en situation irrégulière provenant du Pakistan et du Bangladesh. Certains sont employés dans les exploitations de manière permanente, d’autres sont saisonniers.
6. À la tête de l’unité de production en cause se trouvaient T.A. et N.V., les employeurs des requérants.
Ceux-ci faisaient partie d’un total de cent cinquante ouvriers répartis en trois équipes, dont chacune était dirigée par un ressortissant bangladais qui rendait des comptes à T.A.
7. Les ouvriers s’étaient vu promettre 22 euros (EUR) de salaire pour sept heures de travail et 3 EUR par heure supplémentaire, moins 3 EUR par jour pour la nourriture. Ils travaillaient dans des serres de 7 heures à 19 heures, tous les jours, cueillant des fraises sous le contrôle de gardes armés à la solde de T.A. Ils vivaient dans des huttes de fortune faites de carton, de nylon et de bambou, dépourvues de toilettes et d’eau courante. Selon leurs dires, leurs employeurs les avaient avertis qu’ils ne leur verseraient leurs salaires que s’ils continuaient à travailler pour eux.
8. À trois reprises – à la fin février 2013, à la mi-mars 2013 et le 15 avril 2013 –, les ouvriers se mirent en grève afin de revendiquer le versement de leurs salaires, en vain.
Le 17 avril 2013, les employeurs firent venir d’autres migrants bangladais, pour les faire travailler dans les champs. Craignant de ne pas être payés, cent à cent cinquante ouvriers recrutés pour la saison 2012‑2013, qui travaillaient dans les champs, se dirigèrent vers les deux employeurs, qui étaient présents, et demandèrent leurs salaires impayés. Un des gardes armés ouvrit alors le feu contre les ouvriers, blessant grièvement trente d’entre eux, parmi lesquels vingt et un des requérants (figurant sous les numéros 4, 6, 7, 8, 9, 14, 15, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 28, 29, 33, 38, 39 et 42). Les blessés furent transportés à l’hôpital et entendus par la police.
9. Les 18 et 19 avril 2013, la police arrêta N.V. et T.A., ainsi que le garde à l’origine des tirs et un autre contremaître armé. Lors de l’enquête préliminaire menée par la police locale, des compatriotes des requérants, dont certains avaient des rapports de travail avec les suspects, servirent d’interprètes.
10. Le 19 avril 2013, le procureur d’Amaliada poursuivit les quatre suspects pour tentative d’homicide et d’autres infractions et aussi, à la suite d’une demande en ce sens du procureur près la Cour de cassation, pour traite des êtres humains sur le fondement de l’article 323A du code pénal (CP). L’accusation de tentative d’homicide fut par la suite requalifiée en atteintes corporelles graves.
11. Le 22 avril 2013, le procureur d’Amaliada reconnut que trente-cinq ouvriers – parmi lesquels quatre chefs d’équipe –, qui avaient tous été blessés lors de l’incident, étaient victimes de traite des êtres humains, ce qui eut pour conséquence de rendre le séjour desdits ouvriers légal en vertu de l’article 12 de la loi no 3064/2002 (relative à la répression de la traite des êtres humains, des crimes contre la liberté sexuelle, de la pédopornographie, et plus généralement de l’exploitation sexuelle).
12. Le 8 mai 2013, cent vingt autres ouvriers, dont les vingt et un requérants qui n’avaient pas été blessés (figurant sous les numéros 1, 2, 3, 5, 10, 11, 12, 13, 16, 17, 18, 27, 30, 31, 32, 34, 35, 36, 37, 40 et 41), demandèrent au procureur d’Amaliada d’inculper les quatre prévenus pour traite d’êtres humains, tentative d’homicide et voies de fait à leur égard. Ils affirmaient qu’ils étaient employés dans l’exploitation de T.A. et N.V. dans des conditions de traite d’êtres humains et de travail forcé et qu’ils faisaient partie du groupe qui avait essuyé des coups de feu. Invoquant le Protocole additionnel à la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, dit « Protocole de Palerme », de décembre 2000 (visant à la prévention, la répression et la sanction de la traite des personnes), ils demandaient au procureur d’engager des poursuites en vertu de l’article 323A du CP contre leurs employeurs, reprochant à ceux-ci de les avoir exploités dans le cadre du travail. Ils alléguaient, en outre, qu’à la date du 17 avril 2013, ils étaient aussi présents sur le lieu de l’incident et qu’ils s’y étaient rendus pour revendiquer leurs salaires impayés et que, par conséquent, ils étaient aussi victimes des infractions commises à l’égard des trente-cinq autres plaignants.
13. La police interrogea chacun des vingt et un requérants précités, qui signèrent un procès-verbal contenant leurs déclarations, faites sous serment et accompagnées de leurs photos, et elle transmit ces dépositions au procureur.
14. Par une décision no 26/2014 du 4 août 2014, le procureur d’Amaliada rejeta la demande des cent vingt ouvriers. Il soulignait que ces ouvriers avaient été recherchés pour déposer lors de l’enquête préliminaire et que seuls cent deux d’entre eux avaient été trouvés et entendus (dont les vingt et un requérants mentionnés au paragraphe 12 ci-dessus). Il notait qu’il ressortait de leurs dépositions et des autres éléments du dossier que leurs allégations ne correspondaient pas à la réalité. Il précisait que s’ils avaient été réellement victimes des infractions qu’ils dénonçaient, ils auraient saisi immédiatement, dès le 17 avril 2013, les autorités de police, comme les trente-cinq autres ouvriers l’avaient fait, et ils n’auraient pas attendu le 8 mai 2013. Il estimait que l’assertion selon laquelle les plaignants avaient eu peur et quitté leurs huttes n’était pas crédible aux motifs que celles-ci se trouvaient à proximité immédiate du lieu de l’incident et que, dès l’arrivée de la police, les intéressés auraient pu y revenir pour dénoncer les faits litigieux. Il notait en outre que seuls quatre des cent deux plaignants entendus avaient déclaré avoir été blessés et que, contrairement aux trente‑cinq ouvriers susmentionnés, aucun de ces quatre ouvriers ne s’était rendu à l’hôpital. Enfin, il relevait que tous les plaignants avaient déclaré avoir fait des dépositions à la police après avoir appris qu’ils recevraient des titres de séjour en tant que victimes de traite d’êtres humains.
15. Le 28 janvier 2015, le procureur près la cour d’appel de Patras, statuant sur appel, rejeta le recours des cent vingt ouvriers contre la décision no 26/2014 aux motifs que les éléments existant dans le dossier ne permettaient pas d’étayer les allégations des intéressés et que ceux-ci avaient tenté de se présenter comme victimes de traite d’êtres humains afin d’obtenir des titres de séjour dans le pays (décision no 3/2015).
16. Les accusés furent renvoyés en jugement devant la cour d’assises de Patras. Seul N.V était accusé d’être l’auteur de l’infraction de traite d’êtres humains. Les trois autres accusés, à savoir T.A. et les deux contremaîtres armés, était accusés de complicité de ce crime. Les audiences commencèrent le 6 juin 2014 et prirent fin le 30 juillet 2014. Les trente-cinq ouvriers susmentionnés se constituèrent parties civiles et furent représentés par les avocats V. Kerasiotis et M. Karabeïdis, dont les honoraires furent pris en charge par le Conseil hellénique pour les réfugiés et la Ligue hellénique pour les droits de l’homme.
17. Dans sa plaidoirie, le procureur arguait que les requérants qui avaient été blessés lors de l’incident résidaient et travaillaient en Grèce sans permis, à la merci des réseaux d’exploitation d’êtres humains et dans des conditions qui permettaient de les qualifier de victimes de traite d’êtres humains. Selon lui, tant l’élément objectif que l’élément subjectif de cette infraction se trouvaient réunis en l’espèce.
18. Le procureur soulignait aussi que l’exploitation dans le cadre du travail faisait partie de la notion d’exploitation, telle qu’elle figurait dans les textes internationaux et européens, en tant que moyen de commission de l’infraction de traite des êtres humains. Il indiquait que l’article 4 de la Convention et l’article 22 de la Constitution grecque prohibaient le travail forcé ou obligatoire. Il précisait que la notion d’exploitation dans le cadre du travail incluait tous les actes qui constituaient une violation de la législation du travail, comme ceux afférents aux horaires, conditions de travail et assurance des travailleurs. Selon lui, cette forme d’exploitation se réalisait aussi par la prestation de travail pour le compte de l’auteur de l’infraction lui-même.
19. Se référant aux faits de la cause, le procureur exposait que l’employeur N.V. n’avait pas rémunéré les ouvriers depuis six mois, qu’il leur avait uniquement versé une très faible somme pour leur alimentation, déduite des salaires, et qu’il leur avait promis qu’il leur verserait ceux-ci plus tard. Il relatait ce qui suit : les accusés étaient sans scrupules et s’imposaient par des menaces et les armes qu’ils portaient sur eux ; les ouvriers travaillaient dans des conditions physiques extrêmes, avaient des horaires de travail exténuants et étaient sujets à une humiliation constante ; le 17 avril 2013, N.V. avait informé les ouvriers qu’il ne les paierait pas et qu’il les tuerait, avec l’aide de ses coaccusés, s’ils ne continuaient pas à travailler pour lui ; les ouvriers n’ayant pas obtempéré à cette menace, il leur avait intimé de partir et les avait avertis qu’il prendrait une autre équipe à leur place et qu’il brûlerait leurs huttes s’ils refusaient de partir. Il notait enfin que, lors de l’embauche, N.V. avait promis aux plaignants des abris rudimentaires et un salaire journalier de 22 EUR – ce qui selon lui constituait pour les victimes la solution unique pour s’assurer un moyen de subsistance – et qu’il avait ainsi réussi, à ce moment, à obtenir le consentement des intéressés pour pouvoir les exploiter ultérieurement.
20. Le procureur affirmait que l’incident du 17 avril 2013 était révélateur d’une situation de surexploitation et de barbarie à laquelle les grands propriétaires terriens de la région auraient soumis les travailleurs migrants. Il estimait qu’il s’agissait d’une agression barbare et armée des employeurs grecs contre ces migrants et que cet incident renvoyait à des images d’un « Sud négrier » n’ayant aucune place en Grèce.
21. Lors de l’audience, un des témoins, un policier du commissariat d’Amaliada, déclara qu’un ou deux jours avant l’incident du 17 avril 2013 des ouvriers s’étaient rendus au commissariat pour dénoncer un refus de leurs employeurs de leur verser leurs salaires et qu’un de ses collègues avait par la suite eu un entretien téléphonique avec N.V. à ce sujet.
22. Par un arrêt du 30 juillet 2014, la cour d’assises acquitta les quatre défendeurs de l’accusation de traite d’êtres humains, au motif que l’élément objectif de l’infraction n’était pas établi en l’espèce. Elle condamna l’un des gardes armés et T.A. pour dommage corporel grave et usage illégal d’armes à feu à des peines de réclusion respectives de quatorze ans et sept mois et de huit ans et sept mois. En ce qui concernait le contremaître à l’origine des tirs, elle considéra qu’il n’avait pas eu l’intention de tuer les personnes agressées lors de l’incident et qu’il avait voulu les obliger à s’éloigner pour éviter que les ouvriers nouvellement recrutés fussent approchés par elles. S’agissant de N.V., elle l’acquitta aux motifs qu’il n’avait pas été établi qu’il était l’un des employeurs des ouvriers (et donc qu’il avait l’obligation de leur verser leurs salaires) ni qu’il était impliqué en tant qu’instigateur de l’agression armée dirigée contre ceux-ci. La cour d’assises convertit les condamnations prononcées en une sanction pécuniaire de 5 euros par jour de détention. Elle imposa aussi aux deux hommes condamnés de verser la somme de 1 500 EUR aux trente‑cinq ouvriers reconnus victimes (soit environ 43 EUR par personne).
23. La cour d’assises relevait que les conditions de travail des ouvriers prévoyaient que ceux-ci recevraient : 22 EUR pour sept heures de travail et 3 EUR par heure supplémentaire ; de la nourriture, dont le coût serait déduit de leurs salaires ; et des matériaux pour la construction de huttes électrifiées à côté des plantations, aux frais de leurs employeurs, aux fins de satisfaction de leurs besoins élémentaires d’hébergement – sans préjudice de la possibilité, pour les intéressés, de se loger ailleurs dans la région. Elle notait que ces conditions étaient portées à la connaissance de tous les ouvriers par ceux de leurs compatriotes qui étaient à la tête des équipes.
24. La cour d’assises observait ainsi que les ouvriers avaient été informés de leurs conditions de travail et qu’ils les avaient acceptées après les avoir considérées comme satisfaisantes. Quant au montant du salaire, elle constatait qu’il s’agissait du montant habituel proposé par les autres producteurs de la région et que les ouvriers n’avaient en aucune façon été contraints à l’accepter. Selon elle, les informations fournies aux intéressés par leurs chefs et leurs compatriotes travaillant pour d’autres employeurs quant à la constance dans le versement des salaires avaient constitué un facteur important dans le choix de T.A. comme employeur. La cour d’assises notait par ailleurs que, jusqu’à la fin février 2013, les ouvriers n’avaient formulé aucune doléance à l’égard de celui-ci, tant en ce qui concernait son comportement que le versement des salaires, et qu’ils n’avaient commencé à se plaindre que vers fin février-début mars 2013 d’un retard dans ce versement.
25. Par ailleurs, la cour d’assises rejetait les allégations des ouvriers par lesquelles ceux-ci indiquaient n’avoir reçu aucun salaire et avoir été soumis à une attitude menaçante et intimidante, de la part des accusés, pendant toute la durée de leur travail, aux motifs suivants : ces allégations avaient été exprimées pour la première fois à l’audience, et non au stade de l’enquête préliminaire et de l’enquête ; la commission d’actes d’intimidation aurait amené les plaignants à quitter leur lieu de travail ; la description de ces actes était particulièrement imprécise et vague. La cour d’assises notait également qu’il ressortait des témoignages des ouvriers que, pendant leur temps libre, ceux-ci pouvaient circuler librement dans la région, faire leurs courses dans les commerces ayant conclu des accords avec les accusés, jouer au cricket et participer à l’association créée par leurs compatriotes. Elle ajoutait qu’il n’était donc pas démontré que T.A. avait, sous un faux prétexte et au moyen de promesses, arraché le consentement des ouvriers de travailler pour lui en profitant d’une situation de vulnérabilité de ces derniers, et ce d’autant plus qu’elle estimait que ceux-ci ne se trouvaient pas dans une telle situation.
26. La cour d’assises considérait aussi qu’il était démontré que les rapports entre les ouvriers et leurs employeurs étaient régis par une relation de travail qui les liait et que les conditions de cette relation n’avaient pas pour buts de piéger les intéressés et d’aboutir à une domination de ceux‑ci par leurs employeurs. Sur ce point, elle précisait que ces conditions n’amenaient pas les plaignants à vivre dans un état d’exclusion du monde extérieur, sans possibilité pour eux d’abandonner cette relation et de rechercher un autre emploi. Elle notait par ailleurs que les intéressés avaient eu la faculté de négocier leurs conditions de travail au moment de leur recrutement et que leur séjour illégal sur le territoire grec n’avait pas été utilisé par leurs employeurs comme un moyen de contrainte pour les forcer à continuer à fournir leur travail.
27. La cour d’assises indiquait que, pour que la notion de vulnérabilité fût constituée, il fallait que la victime se trouvât dans un état de paupérisation tel que son refus de se soumettre à l’auteur de l’infraction parût absurde, c’est-à-dire que la victime devait se trouver dans un état de faiblesse absolue l’empêchant de se protéger elle-même. Elle ajoutait que la victime serait exploitée, en conséquence de sa vulnérabilité, si elle se livrait sans condition à l’autorité de l’auteur de l’infraction et vivait dans une situation d’exclusion par rapport au monde extérieur, ce qui selon elle n’était pas le cas en l’espèce, car : a) les rapports entre ouvriers et leurs employeurs étaient régis par une relation de travail qui les unissait ; b) les conditions particulières de ce lien de travail n’avaient pour buts ni de piéger les ouvriers ni de conduire à une domination de ceux-ci par leurs employeurs susceptible d’aboutir à une exclusion du monde extérieur et à une impossibilité d’abandonner ce rapport de travail et de rechercher un autre emploi. La cour d’assises observait en outre que la plupart des ouvriers avaient déclaré qu’ils auraient continué à travailler pour leurs employeurs s’ils avaient perçu leurs salaires.
28. Enfin, s’agissant de l’allégation des ouvriers selon laquelle ceux-ci avaient été menacés de mort par les accusés – qu’elle ne retint pas –, la cour d’assises considérait que, si cette assertion avait été avérée, les intéressés auraient quitté leur lieu de travail sans hésitation. En effet, selon elle, le sentiment de peur pour sa vie devait l’emporter sur n’importe quelle considération (telle que : la revendication des salaires dus ; le besoin de gagner sa vie, qui n’aurait pu être satisfait en raison de l’impossibilité objective de trouver un autre travail ; et tous les autres arguments que les ouvriers avaient avancés pour justifier qu’ils avaient continué à fournir leur travail).
29. Le 30 juillet 2014, les défendeurs condamnés interjetèrent appel de l’arrêt de la cour d’assises. L’appel, qui est encore pendant devant cette même juridiction, a un effet suspensif.
30. Le 21 octobre 2014, les avocats des ouvriers saisirent le procureur près la Cour de cassation d’une demande tendant à ce que celui-ci se pourvût en cassation contre l’arrêt de la cour d’assises. Dans leur demande, ils soutenaient que la cour d’assises n’avait pas examiné de manière adéquate l’accusation de traite des êtres humains. Ils estimaient que, pour déterminer si cette juridiction avait correctement appliqué l’article 323A du CP, il fallait examiner s’il avait été tiré profit d’une quelconque vulnérabilité des ressortissants étrangers pour les exploiter.
31. Le 27 octobre 2014, le procureur refusa de se pourvoir en cassation. Il motiva sa décision en indiquant uniquement que les conditions prévues par la loi pour former un pourvoi ne se trouvaient pas réunies. Par cette décision, la partie de l’arrêt du 30 juillet 2014 concernant la traite des êtres humains est devenue « irrévocable » (αμετάκλητη).
II. LE DROIT INTERNE PERTINENT
32. L’article 22 § 3 de la Constitution prévoit :
« Toute forme de travail obligatoire est interdite. »
33. L’article 323 (servitude) du CP et l’article 323A (sur la traite des êtres humains) du même code, tel que modifié par la loi no 3064/2002 (portant modification du code pénal en matière de traite des êtres humains, pornographie – débauche de mineur, proxénétisme, assistance aux victimes) disposent ce qui suit :
Article 323
« 1. Celui qui pratique la servitude est puni d’une peine de réclusion.
2. La servitude comprend tout acte d’arrestation, d’appropriation et de mise à disposition d’une personne qui vise à le transformer en esclave, tout acte d’acquisition d’un esclave dans le but de le revendre ou de l’échanger, l’acte de cession au moyen de la vente ou de l’échange d’un esclave déjà acquis et, de manière générale, tout acte de traite ou de transport d’esclave.
(...) »
Article 323A
« 1. Celui qui, au moyen de l’usage de la force ou de la menace d’un tel usage ou d’un autre moyen coercitif ou d’un abus d’autorité ou de pouvoir ou d’un enlèvement, recrute, transporte, introduit dans le territoire, détient, protège, livre – avec ou sans contrepartie – ou se fait remettre par un tiers une personne dans le but de lui retirer des cellules, des tissus ou des organes ou d’exploiter, lui-même ou pour le compte d’un autre, son travail ou sa mendicité, est puni d’une peine de réclusion allant jusqu’à dix ans et d’une amende allant de dix mille à cinquante mille euros.
2. La peine susmentionnée est aussi prononcée à l’encontre de l’auteur de l’infraction qui, cherchant à obtenir le même but, obtient le consentement d’une personne ou l’attire sous un faux prétexte en profitant de sa vulnérabilité, au moyen de promesses, de cadeaux, d’argent ou d’autres avantages.
3. Celui qui, en connaissance de cause, accepte le travail fourni par une personne soumise aux conditions décrites aux paragraphes 1 et 2 est puni d’une peine d’emprisonnement de six mois au moins.
4. Celui qui a commis l’infraction prévue aux paragraphes précédents est puni d’une peine de réclusion de dix ans au moins et d’une amende allant de cinquante mille à cent mille euros, si l’infraction :
(...)
b) est commise de manière répétitive ;
(...)
d) a eu comme résultat un préjudice particulièrement grave pour la santé de la personne lésée ou a exposé la vie de celle-ci à un danger grave. »
34. Dans son arrêt no 673/2011, la Cour de cassation a relevé que, en matière de traite des êtres humains (article 323A du CP), l’élément de la domination physique de l’auteur de l’infraction sur la victime se différenciait tant quantitativement que qualitativement, au regard de sa substance et de sa durée, par rapport à la servitude (article 323 du CP), car il n’exigeait ni l’asservissement total de la victime ni sa domination constante et ininterrompue par l’auteur des agissements en cause. La haute juridiction a estimé que les actes de violence illégale, de menace, de chantage et de séquestration constituaient les moyens permettant de commettre le crime de traite des êtres humains et que le principe de l’absorption de ces actes par ce crime prévalait sur le principe du concours d’infractions. Quant à l’élément subjectif de l’infraction, la Cour de cassation a jugé que l’existence de dol de la part de l’auteur était nécessaire. Elle a précisé que l’existence du dol résultait de la connaissance et de la volonté de l’auteur de l’infraction de recruter, de transporter, d’emmener, d’aider ou de séquestrer une personne, au moyen de l’usage de la force ou d’une menace et dans le but d’exploiter le travail de celle-ci. Selon elle, cette exploitation était réalisée lorsque la victime fournissait son travail soit directement au bénéfice de l’auteur de l’infraction soit au bénéfice de tiers qui versaient la rémunération à ce dernier, et le dol éventuel n’était pas suffisant.
35. Le CP ne contient pas de dispositions spécifiques relatives au travail forcé. L’article 323A a été intégré dans ce code par la loi no 3064/2002 (réprimant la traite des êtres humains, les crimes contre la liberté sexuelle, la pédopornographie, et plus généralement l’exploitation sexuelle) qui a transposé dans l’ordre juridique grec la décision-cadre no 2002/629/JAI du Conseil de l’Union européenne, du 19 juillet 2002, relative à la lutte contre la traite des êtres humains. Cette norme a été remplacée par la directive no 2011/36 du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes, qui a été incorporée en Grèce par la loi no 4198/2013 du 11 octobre 2013.
36. L’article 4 de la loi no 4198/2013 a amendé certains articles du code de procédure pénale et y a ajouté notamment un article 226B (témoins victimes de la traite des êtres humains et du proxénétisme) qui, dans sa partie pertinente, se lit ainsi :
« 1. Lors de l’examen comme témoin d’une victime des actes mentionnés aux articles 323A (...) du code pénal, un psychologue ou un psychiatre est nommé en tant qu’expert (...).
2. Le psychologue ou le psychiatre prépare la personne lésée pour l’interrogatoire, en collaboration avec les enquêteurs et les magistrats. A cette fin, il utilise les méthodes diagnostiques appropriées, se prononce sur la capacité cognitive et la situation psychique de la personne lésée et formule ses constatations par écrit dans un rapport qui fait partie intégrante du dossier. (...)
3. La déposition de la personne lésée est rédigée par écrit et enregistrée électroniquement lorsque cela est possible. (...)
4. La déposition écrite de la personne lésée doit être lue à l’audience.
(...) »
37. La Grèce avait déjà ratifié, avant les faits de la présente affaire, la Convention de Genève du 25 septembre 1926 prohibant l’esclavage, la Convention no 29 de l’Organisation internationale du travail (OIT) du 28 juin 1930 sur le travail forcé (« la Convention no 29 de l’OIT »), ainsi que la Convention supplémentaire relative à l’abolition de l’esclavage du 30 avril 1956 et le « Protocole de Palerme » de décembre 2000. Quant à la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains du 16 mai 2005, elle l’avait signée le 17 novembre 2005 et ratifiée le 11 avril 2014. La Convention est entrée en vigueur le 1er août 2014.
III. LE DROIT INTERNATIONAL PERTINENT
38. La Cour renvoie aux paragraphes 49 à 51 de l’arrêt Siliadin c. France (no 73316/01, CEDH 2005‑VII) et aux paragraphes 137 à 174 de l’arrêt Rantsev c. Chypre et Russie (no 25965/04, CEDH 2010 (extraits)), qui exposent les dispositions pertinentes en l’espèce des conventions internationales relatives au travail forcé, à la servitude, à l’esclavage et à la traite des êtres humains (Convention de Genève du 25 septembre 1926 prohibant l’esclavage ; Convention no 29 de l’OIT ; Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui du 2 décembre 1949 ; Convention supplémentaire relative à l’abolition de l’esclavage du 30 avril 1956 ; Convention sur l’abolition du travail forcé (Convention no 105) de l’OIT (1957) ; « Protocole de Palerme » de décembre 2000 ; Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains du 16 mai 2005, ainsi que les extraits pertinents des travaux du Conseil de l’Europe en la matière (recommandations de l’Assemblée parlementaire no 1523 du 26 juin 2001 et no 1623 du 22 juin 2004 ; rapport explicatif de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains).
A. L’Organisation Internationale du Travail
39. L’article 2 § 1 de la Convention no 29 de l’OIT se lit ainsi :
« (...) le terme travail forcé ou obligatoire désignera tout travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de plein gré. »
40. Il convient également d’ajouter les extraits suivants du Rapport global en vertu du suivi de la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail, intitulé « Le coût de la coercition », adopté par la Conférence internationale du travail en 1999 :
« 24. Dans la définition qu’en donne l’OIT, pour qu’il y ait travail forcé, deux éléments doivent être réunis : le travail ou le service est exécuté sous la menace d’une peine et contre la volonté de la personne. Tous les travaux des organes de contrôle de l’OIT ont servi à préciser ces deux aspects. La peine en question n’est pas nécessairement une mesure pénale et peut consister en une perte de droits et de privilèges. La menace de rétorsion peut par ailleurs revêtir les formes les plus diverses, pouvant aller, dans les cas les plus extrêmes, jusqu’à la violence ou à la contrainte physique, voire aux menaces de mort adressées à la victime ou à ses proches. Il existe des formes de menaces plus subtiles, parfois d’ordre psychologique : travailleurs en situation illégale menacés d’être dénoncés à la police ou aux services d’immigration, jeunes femmes contraintes de se prostituer dans les villes éloignées et que l’on menace de dénoncer aux notables de leurs villages – autant de situations que le BIT a régulièrement été amené à examiner. Il peut être recouru aussi à des mesures d’ordre pécuniaire, y compris le prélèvement d’une partie du salaire en remboursement de dettes ; l’employeur peut exiger que le travailleur lui remette ses pièces d’identité ou le contraindre à travailler en le menaçant de les confisquer.
25. S’agissant de l’offre de travail ou de service « de plein gré », les organes de contrôle de l’OIT ont examiné diverses facettes du problème et se sont intéressés notamment à la forme et à l’objet du consentement, à l’incidence des contraintes extérieures ou des pressions indirectes, ainsi qu’à la possibilité d’annuler un accord librement consenti. On constate là encore qu’il existe toute une variété de formes subtiles de contraintes. Les victimes du travail forcé sont fréquemment des personnes qui, initialement, se sont engagées de leur plein gré dans un travail – même s’il a fallu pour cela abuser de leur confiance – et qui comprennent plus tard qu’elles ne sont plus libres de le quitter, entravées qu’elles sont par des liens qui peuvent être de nature juridique, physique ou psychologique. On peut toutefois considérer que le consentement initial est sans valeur s’il a été obtenu par une escroquerie ou un abus de confiance. »
B. L’Organisation des Nations-Unies
41. L’article 3a du Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (« Protocole de Palerme »), prévoit :
« Aux fins du présent Protocole :
a) L’expression « traite des personnes » désigne le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation. L’exploitation comprend, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes. »
C. Le Conseil de l’Europe
42. Les dispositions pertinentes de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains disposent :
Article 4 – Définitions
« Aux fins de la présente Convention:
a. « L’expression « traite des êtres humains » désigne le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation. L’exploitation comprend, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes ;
b. Le consentement d’une victime de la « traite d’êtres humains » à l’exploitation envisagée, telle qu’énoncée à l’alinéa (a) du présent article, est indifférent lorsque l’un quelconque des moyens énoncés à l’alinéa (a) a été utilisé ;
c. le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil d’un enfant aux fins d’exploitation sont considérés comme une « traite des êtres humains » même s’ils ne font appel à aucun des moyens énoncés à l’alinéa (a) du présent article ;
d. le terme « enfant » désigne toute personne âgée de moins de dix-huit ans ;
e. le terme « victime » désigne toute personne physique qui est soumise à la traite des êtres humains telle que définie au présent article. »
Article 5 – Prévention de la traite des êtres humains
« 1. Chaque Partie prend des mesures pour établir ou renforcer la coordination au plan national entre les différentes instances chargées de la prévention et de la lutte contre la traite des êtres humains.
2. Chaque Partie établit et/ou soutient des politiques et programmes efficaces afin de prévenir la traite des êtres humains par des moyens tels que : des recherches ; des campagnes d’information, de sensibilisation et d’éducation ; des initiatives sociales et économiques et des programmes de formation, en particulier à l’intention des personnes vulnérables à la traite et des professionnels concernés par la traite des êtres humains.
(...) »
Article 10 – Identification des victimes
« 2. Chaque Partie adopte les mesures législatives ou autres nécessaires pour identifier les victimes, le cas échéant, en collaboration avec d’autres Parties et avec des organisations ayant un rôle de soutien. Chaque Partie s’assure que, si les autorités compétentes estiment qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une personne a été victime de la traite des êtres humains, elle ne soit pas éloignée de son territoire jusqu’à la fin du processus d’identification en tant que victime de l’infraction prévue à l’article 18 de la présente Convention par les autorités compétentes et bénéficie de l’assistance prévue à l’article 12, paragraphes 1 et 2. »
Article 13 – Délai de rétablissement et de réflexion
« 1. Chaque Partie prévoit dans son droit interne un délai de rétablissement et de réflexion d’au moins 30 jours lorsqu’il existe des motifs raisonnables de croire que la personne concernée est une victime. Ce délai doit être d’une durée suffisante pour que la personne concernée puisse se rétablir et échapper à l’influence des trafiquants et/ou prenne, en connaissance de cause, une décision quant à sa coopération avec les autorités compétentes. Pendant ce délai, aucune mesure d’éloignement ne peut être exécutée à son égard. Cette disposition est sans préjudice des activités réalisées par les autorités compétentes dans chacune des phases de la procédure nationale applicable, en particulier pendant l’enquête et la poursuite des faits incriminés. Pendant ce délai, les Parties autorisent le séjour de la personne concernée sur leur territoire.
2. Pendant ce délai, les personnes visées au paragraphe 1 du présent article ont droit au bénéfice des mesures prévues à l’article 12, paragraphes 1 et 2.
3. Les Parties ne sont pas tenues au respect de ce délai pour des motifs d’ordre public, ou lorsqu’il apparaît que la qualité de victime est invoquée indûment. »
Article 15 – Indemnisation et recours
« 1. Chaque Partie garantit aux victimes, dès leur premier contact avec les autorités compétentes, l’accès aux informations sur les procédures judiciaires et administratives pertinentes dans une langue qu’elles peuvent comprendre.
2. Chaque Partie prévoit, dans son droit interne, le droit à l’assistance d’un défenseur et à une assistance juridique gratuite pour les victimes, selon les conditions prévues par son droit interne.
3. Chaque Partie prévoit, dans son droit interne, le droit pour les victimes à être indemnisées par les auteurs d’infractions.
4. Chaque Partie adopte les mesures législatives ou autres nécessaires pour faire en sorte que l’indemnisation des victimes soit garantie, dans les conditions prévues dans son droit interne, par exemple par l’établissement d’un fonds pour l’indemnisation des victimes ou d’autres mesures ou programmes destinés à l’assistance et l’intégration sociales des victimes qui pourraient être financés par les avoirs provenant de l’application des mesures prévues à l’article 23. »
43. Les extraits pertinents du Rapport explicatif de la Convention susmentionnée précisent ce qui suit :
« 74. Selon la définition, la traite des êtres humains consiste en une combinaison de trois éléments de base, chacun d’entre eux devant être repris d’une liste énoncée dans la définition :
– Action : « le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes »
– Au moyen de : « la menace de recours ou le recours à la force ou d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre »
– But : « aux fins d’exploitation. L’exploitation comprend, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes ».
75. La traite des êtres humains est une combinaison des éléments repris ci-dessus et non ces éléments pris isolément. (...)
76. Pour qu’il y ait traite des êtres humains, il faut en principe la réunion d’éléments appartenant aux trois catégories reprises ci-dessus (action – moyen – but). (...)
77. Ainsi, le phénomène de la traite dépasse largement la simple circulation de personnes organisée dans un but lucratif. Ce qui distingue la traite de l’introduction clandestine de migrants sont les éléments supplémentaires critiques que constituent le recours à un des moyens énoncés (force, tromperie, abus d’une situation de vulnérabilité) tout au long ou à un stade donné du processus, aux fins d’exploitation.
(...)
81. Les moyens sont : « la menace de recours ou le recours à la force ou d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre. »
82. La « fraude » et la « tromperie » sont des procédés fréquemment utilisés par les trafiquants par exemple lorsqu’ils font croire aux victimes qu’elles obtiendront un contrat de travail attractif alors qu’elles sont destinées à être exploitées.
83. Par abus de position de vulnérabilité, il faut entendre l’abus de toute situation dans laquelle la personne concernée n’a d’autre choix réel et acceptable que de se soumettre. Il peut donc s’agir de toute sorte de vulnérabilité, qu’elle soit physique, psychique, affective, familiale, sociale ou économique. Cette situation peut être, par exemple, une situation administrative précaire ou illégale, une situation de dépendance économique ou un état de santé fragile. En résumé, il s’agit de l’ensemble des situations de détresse pouvant conduire un être humain à accepter son exploitation. Les individus abusant d’une telle situation commettent une violation flagrante des droits de la personne humaine et une atteinte à sa dignité et à son intégrité auxquelles il n’est pas possible de renoncer valablement.
(...)
85. Le but poursuivi doit être l’exploitation de la personne. La Convention prévoit que « l’exploitation comprend, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes ». Cela signifie que le législateur national peut viser d’autres formes d’exploitation mais qu’il doit au moins considérer les formes d’exploitation citées comme éléments constitutifs de la traite des êtres humains.
86. Les formes d’exploitation visées par la définition recoupent à la fois l’exploitation sexuelle, l’exploitation du travail et le prélèvement d’organes. En effet, la criminalité a de plus en plus tendance à diversifier ses activités afin de fournir des personnes à exploiter dans tous les secteurs où une demande se fait jour.
(...)
89. « Le travail forcé » n’est pas non plus défini par la Convention. Néanmoins, il existe plusieurs instruments internationaux pertinents en la matière, par exemple : l’article 4 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, l’article 8 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques; la Convention concernant le travail forcé ou obligatoire (Convention no 29) de l’OIT et la Convention sur l’abolition du travail forcé (Convention no105) de l’OIT (1957).
90. L’article 4 de la CEDH prohibe, sans le définir, le travail forcé. Les auteurs de la CEDH se sont inspirés de la Convention no 29 sur le travail forcé ou obligatoire de l’OIT du 29 juin 1930, qui qualifie de forcé ou d’obligatoire « tout travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de son plein gré ». Dans l’arrêt Van der Müssele c. Belgique (arrêt du 23 novembre 1983, Série A, no 70, paragraphe 37), la Cour a constaté « la valeur relative » du critère du consentement préalable et a opté pour une approche qui tient compte de l’ensemble des circonstances de la cause. Elle a en particulier observé que, selon les cas et les circonstances, un individu « ne saurait passer pour s’être par avance offert de plein gré » à accomplir certaines tâches. Dès lors, la validité du consentement doit être évaluée à la lumière de l’ensemble des circonstances de la cause.
(...)
97. L’article 4 (b) précise que le consentement d’une victime de la « traite d’êtres humains » à l’exploitation envisagée, telle qu’énoncée à l’alinéa (a) de l’article 4 est indifférent lorsque l’un quelconque des moyens énoncés à l’alinéa (a) a été utilisé. La question du consentement n’est pas simple et il n’est pas aisé de déterminer où le libre choix s’arrête et où commence la contrainte. En matière de traite, certaines personnes ne savent pas du tout ce qui les attend, d’autres savent parfaitement qu’il s’agit, par exemple, de se prostituer. Cependant, même si une personne souhaite trouver un travail, et éventuellement se prostituer, cela ne signifie pas qu’elle consent à subir des abus de toutes sortes. Pour cette raison, l’article 4 (b) prévoit qu’il y a traite des êtres humains que la victime consente ou non à son exploitation. »
44. Par ailleurs, dans son 4e Rapport Général sur ses activités (couvrant la période du 1er août 2013 au 30 septembre 2014), le Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA) du Conseil de l’Europe relevait :
« Le GRETA a constaté que certains pays se concentraient presque exclusivement sur la traite aux fins d’exploitation sexuelle et ne s’attachaient pas assez à concevoir des mesures de prévention de la traite pratiquée à d’autres fins. Par exemple, le GRETA a exhorté les autorités espagnoles à élaborer des mesures pour favoriser la sensibilisation à la traite à des fins d’exploitation par le travail et à organiser des activités d’information et d’éducation sur la traite, y compris pour les enfants. »
Puis dans son 5e Rapport Général (couvrant la période du 1er octobre 2014 au 31 décembre 2015), le GRETA rajoutait :
« 94. L’article 10 de la Convention impose aux États parties l’obligation positive d’identifier les victimes de traite. La Convention prévoit que les autorités compétentes doivent disposer d’un personnel formé et qualifié en matière d’identification des victimes, notamment des enfants, et de soutien a ces dernières, et que les autorités doivent collaborer entres elles et avec les organisations ayant un rôle de soutien, comme les ONG. Identifier les victimes est un processus qui demande du temps. Même si le processus d’identification n’est pas achevé, dès que les autorités compétentes considèrent qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une personne est une victime, elles ne doivent pas l’expulser de leur territoire – que ce soit vers son pays d’origine ou un pays tiers.
97. Le GRETA a aussi observé a propos de l’Italie que la détection des victimes de la traite aux fins d’exploitation par le travail était particulièrement compliquée car « l’économie informelle » occupe une place assez importante dans certains secteurs. Étant donné que la législation italienne relative à l’immigration ne prévoit pas la possibilité d’employer légalement des travailleurs qui sont déjà en situation irrégulière en Italie, ceux-ci n’ont pas d’autre choix que de travailler dans l’économie informelle, très souvent dans des conditions d’exploitation. Parmi les secteurs économiques dans lesquels un grand nombre de migrants en situation irrégulière sont exploités figurent l’agriculture, le bâtiment et l’industrie textile. Le GRETA a exhorté les autorités italiennes à prendre des mesures pour réduire la vulnérabilité particulière à la traite qui caractérise les migrants en situation irrégulière. Il les a également invitées à étudier les conséquences de la législation relative à l’immigration, notamment de l’infraction d’entrée et de séjour illégaux, pour l’identification et la protection des victimes de traite et la poursuite des trafiquants.
98. Dans son rapport concernant l’Espagne, le GRETA s’est inquiété de l’absence de formation et de sensibilisation aux droits des victimes de traite parmi les membres de la police des frontières et les membres des services d’asile, le personnel des centres de rétention temporaire pour les étrangers (en particulier dans les villes autonomes de Ceuta et Melilla), le personnel des centres de réception pour les demandeurs d’asile, des centres de rétention ou les ressortissants de pays tiers attendent d’être expulsés, ainsi que des organismes judiciaires chargés de prendre des mesures d’expulsion. »
D. L’Union Européenne
45. L’article 5 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne est ainsi libellé :
Interdiction de l’esclavage et du travail forcé
« 1. Nul ne peut être tenu en esclavage ni en servitude.
2. Nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire.
3. La traite des êtres humains est interdite. »
46. La décision-cadre no 2002/629/JAI du Conseil de l’Union européenne, du 19 juillet 2002, relative à la lutte contre la traite des êtres humains prévoit notamment :
Article premier
Infractions liées à la traite des êtres humains à des fins d’exploitation de leur travail ou d’exploitation sexuelle
Infractions liées à la traite des êtres humains à des fins d’exploitation de leur travail ou d’exploitation sexuelle
« 1. Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour faire en sorte que les actes suivants soient punissables : le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement, l’accueil ultérieur d’une personne, y compris la passation ou le transfert du contrôle exercé sur elle :
a) lorsqu’il est fait usage de la contrainte, de la force ou de menaces, y compris l’enlèvement, ou
b) lorsqu’il est fait usage de la tromperie ou de la fraude, ou
c) lorsqu’il y a abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, de manière telle que la personne n’a en fait pas d’autre choix véritable et acceptable que de se soumettre à cet abus, ou
d) lorsqu’il y a offre ou acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre, à des fins d’exploitation du travail ou des services de cette personne, y compris sous la forme, au minimum, de travail ou de services forcés ou obligatoires, d’esclavage ou de pratiques analogues à l’esclavage ou de servitude, ou à des fins d’exploitation de la prostitution d’autrui et d’autres formes d’exploitation sexuelle, y compris pour la pornographie.
2. Le consentement d’une victime de la traite des êtres humains à l’exploitation envisagée ou effective est indifférent lorsque l’un quelconque des moyens visés au paragraphe 1 a été utilisé.
3. Lorsque les actes visés au paragraphe 1 concernent un enfant, ils relèvent de la traite des êtres humains et, à ce titre, sont punissables, même si aucun des moyens visés au paragraphe 1 n’a été utilisé. »
Article 2
Instigation, participation, complicité et tentative
Instigation, participation, complicité et tentative
« Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour que soit puni le fait d’inciter à commettre l’une des infractions visées à l’article 1er, d’y participer, de s’en rendre complice, ou de tenter de commettre cette infraction. »
Article 7
Protection et assistance apportées aux victimes
Protection et assistance apportées aux victimes
« 1. Les États membres s’assurent que les enquêtes ou les poursuites concernant les infractions visées par la présente décision cadre ne dépendent pas de la déclaration ou de l’accusation émanant d’une personne victime de l’infraction, du moins dans les cas dans lesquels l’article 6, paragraphe 1, point a), s’applique.
(...) »
47. La directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes et remplaçant la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil dispose notamment :
Article premier
Objet
Objet
« La présente directive établit des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions dans le domaine de la traite des êtres humains. Elle introduit également des dispositions communes, en tenant compte des questions d’égalité entre hommes et femmes, afin de renforcer la prévention de cette infraction et la protection des victimes. »
Article 2
Infractions liées à la traite des êtres humains
Infractions liées à la traite des êtres humains
« 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que soient punissables les actes intentionnels suivants:
Le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, y compris l’échange ou le transfert du contrôle exercé sur ces personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre, à des fins d’exploitation.
2. Une situation de vulnérabilité signifie que la personne concernée n’a pas d’autre choix véritable ou acceptable que de se soumettre à cet abus.
3. L’exploitation comprend, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, y compris la mendicité, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude, l’exploitation d’activités criminelles, ou le prélèvement d’organes.
4. Le consentement d’une victime de la traite des êtres humains à l’exploitation, envisagée ou effective, est indifférent lorsque l’un des moyens visés au paragraphe 1 a été utilisé.
5. Lorsque les actes visés au paragraphe 1 concernent un enfant, ils relèvent de la traite des êtres humains et, à ce titre, sont punissables, même si aucun des moyens visés au paragraphe 1 n’a été utilisé.
6. Aux fins de la présente directive, on entend par «enfant», toute personne âgée de moins de 18 ans. »
Article 3
Incitation, participation et complicité, et tentative
Incitation, participation et complicité, et tentative
« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que soit punissable le fait d’inciter à commettre l’une des infractions visées à l’article 2, d’y participer et de s’en rendre complice, ou de tenter de commettre cette infraction. »
Article 4
Sanctions
Sanctions
« 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour qu’une infraction visée à l’article 2 soit passible d’une peine maximale d’au moins cinq ans d’emprisonnement.
2. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour qu’une infraction visée à l’article 2 soit passible d’une peine maximale d’au moins dix ans d’emprisonnement, lorsque l’infraction:
a) a été commise à l’encontre d’une victime qui était particulièrement vulnérable, ce qui, dans le contexte de la présente directive, inclut au moins les enfants victimes;
b) a été commise dans le cadre d’une organisation criminelle au sens de la décision-cadre 2008/841/JAI du Conseil du 24 octobre 2008 relative à la lutte contre la criminalité organisée ( 1 );
c) a délibérément ou par négligence grave mis la vie de la victime en danger; ou
d) a été commise par recours à des violences graves ou a causé un préjudice particulièrement grave à la victime.
3. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que, dans le cas d’une infraction visée à l’article 2 commise par un agent de la fonction publique dans l’exercice de ses fonctions, cette circonstance soit considérée comme une circonstance aggravante.
4. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les infractions visées à l’article 3 soient passibles de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives, qui peuvent comporter la remise. »
IV. RAPPORTS CONCERNANT LA SITUATION RÉGNANT À MANOLADA
A. Le médiateur de la République
48. Le médiateur de la République a établi un rapport daté du 22 avril 2008 à la suite de la parution de plusieurs articles dans la presse écrite et électronique faisant état de nombreux cas d’exploitation d’étrangers d’une grande ampleur dans le district régional d’Ilia.
Dans son rapport, adressé à plusieurs ministères et organismes d’État, ainsi qu’au parquet, il faisait part de ses constats concernant la situation régnant à Manolada et établissait des recommandations en vue d’une amélioration de celle-ci.
49. Le médiateur de la République relatait que des centaines de migrants économiques vivaient dans des conditions misérables dans des camps improvisés dans la région. Il indiquait que, en plus d’être soumis à de mauvaises conditions de travail, les migrants semblaient vivre sous un régime de privation de leur liberté, car, selon les articles de presse, leurs employeurs – des propriétaires de serres de fraises, appelées aussi « serres de la honte » – avaient établi un encadrement de leurs activités, et ce même pendant leur temps libre.
50. Se référant aux mêmes articles de presse, le médiateur de la République exposait également que : les migrants étaient chichement rémunérés, travaillaient dans des conditions inacceptables et étaient obligés de verser leur paie – qui aurait été d’un montant très faible – à leurs employeurs pour pouvoir acheter des produits de base et des services auprès de ceux-ci (loyer pour un « toit de misère », fourniture rudimentaire d’eau et parfois d’électricité, achat des aliments de base) ; les eaux sales des camps polluaient la lagune de Katochi, un espace naturel protégé et intégré au réseau européen Natura 2000 ; les mauvaises conditions d’hygiène étaient préoccupantes non seulement pour la santé des migrants mais aussi pour celle des populations locales ; dans les camps, les employeurs avaient illégalement créé des magasins dans lesquels les migrants étaient obligés d’acheter des produits de première nécessité ; à la fin des travaux, certains employeurs dénonçaient les migrants en situation irrégulière à la police afin d’éviter de leur verser leurs salaires.
51. Le médiateur de la République affirmait que les rapports de travail étaient caractérisés par une exploitation incontrôlée des migrants, qui selon lui rappelait celle des premières années de la révolution industrielle, et qu’ils étaient régis par la domination physique et économique des employeurs. Il relevait que des groupes de personnes vulnérables étaient atteints et constatait que l’État était totalement absent.
52. Le médiateur de la République invitait les différentes autorités nationales à procéder à des contrôles et il préconisait l’adoption par elles de toute une série de mesures qu’il estimait être appropriées.
53. Dans une lettre datée du 26 mai 2008, le ministre du Travail a informé le médiateur de la République de la réalisation de onze inspections. Il indiquait que ces inspections avaient permis de constater huit cas de non‑correspondance des salaires versés à ceux prévus par les conventions collectives et deux cas de travail des mineurs. Il ajoutait qu’une entreprise s’était vue suspendre provisoirement son permis d’exploitation pour avoir commis plusieurs infractions et pour avoir ignoré les instructions des inspecteurs du travail.
B. Les faits rapportés par le Centre de réintégration pour travailleurs migrants avec le soutien de la Commission européenne
54. Un rapport concernant la Grèce, établi dans le cadre d’un projet intitulé « lutter contre la traite des êtres humains – au-delà (de 2011) » par le Centre de réintégration pour travailleurs migrants avec le soutien de la Commission européenne, fait état de la réaction des autorités à la suite de la révélation de la situation vécue par les migrants travaillant dans les champs de fraises à Manolada. Le rapport se réfère à un très grand nombre d’articles de presse parus en 2008. Il contient les éléments exposés ci-après.
55. La situation des travailleurs migrants à Manolada a été portée à la connaissance du public au printemps 2008 à travers un long article intitulé « L’or rouge : un goût sucré avec des racines amères », paru dans le supplément Epsilon de l’édition dominicale du journal « Elefterotypia ». L’article, qui décrivait en détail les conditions de travail des ouvriers migrants à Manolada et dénonçait l’existence d’une traite d’êtres humains, a provoqué un débat au Parlement grec. À la suite de cette parution, le ministre du Travail a demandé à l’Inspection du travail de procéder à des contrôles. En outre, le ministre de la Santé a ordonné des contrôles de santé et le ministre de l’Intérieur a déclaré qu’il préparait une décision qui obligerait les employeurs à fournir un hébergement décent aux ouvriers saisonniers.
56. Par ailleurs, le ministre du Travail a constaté que des inspections avaient eu lieu en 2006 et 2007 et qu’elles avaient mené à des poursuites qui n’avaient pas abouti. S’agissant des nouvelles inspections ordonnées par ce ministre, elles n’ont pas prêté à conséquence : la plupart des producteurs de fraises sont parvenus à cacher les ouvriers migrants, et seuls quelques-uns d’entre eux ont été poursuivis pour avoir employé des migrants en situation irrégulière (un ou deux producteurs) ou des mineurs (deux producteurs).
57. Selon les articles de presse sur lesquels se fondait le rapport précité, en avril 2008, 1 500 ouvriers ont refusé de travailler et se sont rassemblés sur la place du village pour demander le paiement de leurs salaires dus et une augmentation des salaires à 30 EUR par jour. Le deuxième jour de ce mouvement de « grève », des syndicalistes du parti communiste ont apporté leur soutien aux migrants, et les contremaîtres armés des producteurs ont attaqué et frappé des syndicalistes, qu’ils considéraient comme responsables de l’attitude des migrants, ainsi que des journalistes. Ceux-ci, dissuadés de continuer à écrire des articles à ce sujet, auraient jusqu’à été menacés de mort. Le soir même, les gardes armés ont détruit les huttes des migrants et tiré en l’air des coups de fusil pour intimider ces derniers. La police n’a procédé à aucune arrestation. Les migrants se sont réfugiés sur la côte et y ont passé la nuit.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 4 § 2 DE LA CONVENTION
58. Les requérants se plaignent que le travail fourni par eux dans les champs de fraises de Manolada ait constitué un travail forcé ou obligatoire. Ils indiquent que l’État avait l’obligation positive d’empêcher leur soumission à une situation de traite des êtres humains, d’adopter des mesures préventives à cet effet et de sanctionner leurs employeurs qui, à leurs yeux, se sont rendus coupables de cette infraction. Ils reprochent à l’Etat d’avoir failli à cette obligation. Ils dénoncent une violation de l’article 4 § 2 de la Convention, qui est ainsi libellé :
« Nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire. »
A. Sur la recevabilité
1. Sur la qualité de victime
59. Le Gouvernement invite la Cour à rejeter la requête en ce qui concerne les requérants figurant sous les numéros 4, 6, 7, 8, 9, 14, 15, 19, 20, 22, 23, 24, 25, 26, 28, 29, 33, 38, 39 et 42 au motif qu’ils n’ont pas participé, en tant que parties civiles, à la procédure devant la cour d’assises. Il indique que les plaintes de ces requérants ont été rejetées tant par le procureur près le tribunal correctionnel d’Amaliada que par le procureur près la cour d’appel de Patras. Il considère que les assertions des intéressés, selon lesquelles ceux-ci ont travaillé dans les champs de fraises de N.V. et n’ont pas reçu leurs salaires pour ce travail, ne permettent de remettre en cause les constats des deux procureurs. Il ajoute à cet égard qu’il n’appartient pas à la Cour de substituer sa propre appréciation à celle des procureurs ayant, en première instance et en appel, conclu à l’absence de qualité de victimes de traite des êtres humains pour ces requérants.
60. Les requérants affirment que les vingt et un d’entre eux qui n’ont pas été blessés lors de l’incident du 17 avril 2013 faisaient partie du groupe d’ouvriers qui travaillaient et étaient présents ce jour-là, et ils estiment qu’ils ont par conséquent la qualité de victimes. Ils reprochent au procureur d’Amaliada de ne pas avoir examiné individuellement le cas de chacun des cent deux ouvriers entendus par les autorités d’enquête : ils soutiennent que ce procureur a procédé à une appréciation globale de leurs déclarations et qu’il les a rejetées en se fondant sur des doutes qu’il aurait eus à l’égard de seulement certains d’entre eux. Les requérants allèguent que les conclusions du procureur d’Amaliada étaient dépourvues de pertinence s’agissant des vingt et un d’entre eux qui n’avaient pas été blessés et qu’elles ne contenaient aucun élément de preuve contredisant les déclarations des intéressés. Ils ajoutent que, à la date à laquelle le procureur d’Amaliada a pris sa décision, l’affaire portait sur des accusations de voies de fait et que ce procureur a par conséquent uniquement examiné si les plaignants étaient victimes de cette infraction, et non de traite des êtres humains.
61. La Cour considère que dans les circonstances particulières de l’espèce, l’exception du Gouvernement est si étroitement liée à la substance du grief de ce groupe des requérants, qu’il y a lieu de la joindre au fond, notamment à la question de l’examen de l’effectivité de l’enquête (paragraphes 117-122 ci-dessous).
2. Sur le non-épuisement des voies de recours internes
62. Le Gouvernement soutient que les requérants n’ont pas épuisé les voies de recours internes au motif que, à aucun stade de la procédure interne, ils ne se sont référés clairement à un des droits garantis par la Convention, et notamment à celui – invoqué par les intéressés dans leur requête devant la Cour – de ne pas être soumis au travail forcé et à la traite des êtres humains. Il indique que leurs allégations devant les instances nationales étaient fondées essentiellement sur le droit interne. Il estime que la simple invocation de l’article 323A du CP sans référence explicite à l’article 4 de la Convention ne peut être considérée comme ayant été suffisante pour donner la possibilité à la cour d’assises et au procureur près la Cour de cassation d’examiner l’affaire sous l’angle de la Convention.
63. Les requérants soutiennent que le droit de ne pas être soumis au travail forcé était central dans la procédure pénale relative à l’accusation de traite d’êtres humains aux fins d’exploitation dans le cadre du travail. Ils affirment que leur soumission à un travail forcé ne faisait pas de doute aux yeux des procureurs et des juridictions ayant eu à connaître de l’affaire. Ils indiquent que, dans ses observations sur le fond, le Gouvernement affirme que les différentes autorités étatiques étaient au courant de leurs allégations selon lesquelles ils étaient soumis à un travail forcé et demandaient la protection de l’État. Selon les requérants, le Gouvernement admet expressément que les poursuites en application de l’article 323A du CP étaient engagées aux fins de respect par l’État de ses obligations découlant de l’article 4 de la Convention et que les griefs de violation de la prohibition du travail forcé avaient fait l’objet d’un examen de la part des autorités policières et judiciaires.
64. La Cour rappelle que, dans le cadre du dispositif de protection des droits de l’homme, la règle de l’épuisement des voies de recours internes doit s’appliquer avec une certaine souplesse et sans formalisme excessif, mais qu’elle n’exige pas seulement la saisine des juridictions nationales compétentes et l’exercice de recours destinés à combattre une décision litigieuse déjà rendue qui viole prétendument un droit garanti par la Convention : cette règle oblige aussi, en principe, à soulever devant ces mêmes juridictions, au moins en substance et dans les formes et délais prescrits par le droit interne, les griefs que l’on entend formuler par la suite au niveau international (voir, parmi beaucoup d’autres, Fressoz et Roire c. France [GC], no 29183/95, § 37, CEDH 1999‑I, et Azinas c. Chypre [GC], no 56679/00, § 38, CEDH 2004-III).
65. En l’espèce, la Cour note que, devant la cour d’assises de Patras, le procureur a soutenu que l’article 323A du CP, pénalisant la traite des êtres humains, devait être interprété à la lumière de l’article 22 de la Constitution, qui interdit toute forme de travail obligatoire, et de l’article 4 de la Convention (paragraphe 18 ci-dessus). Elle observe aussi que les vingt et un requérants blessés ont saisi le procureur près la Cour de cassation d’une demande tendant à ce que celui-ci se pourvût en cassation contre l’arrêt de la cour d’assises et qu’ils soutenaient, à l’appui de cette demande, que, afin de déterminer si la cour d’assises avait correctement appliqué l’article 323A du CP, il fallait examiner s’il y avait eu exploitation des ressortissants étrangers en tirant profit de leur vulnérabilité (paragraphe 30 ci-dessus). Elle constate en outre que, en saisissant le procureur d’Amaliada le 8 mai 2013, les vingt et un requérants non blessés invoquaient le « Protocole de Palerme » et demandaient audit procureur d’engager des poursuites en vertu de l’article 323A du CP contre leurs employeurs, auxquels ils reprochaient de les avoir exploités dans le cadre du travail (paragraphe 12 ci-dessus).
66. De son côté, par son arrêt du 30 juillet 2014, la cour d’assises a acquitté les quatre défendeurs de l’accusation de traite d’êtres humains. Les avocats des ouvriers ont alors saisi le procureur près la Cour de cassation d’une demande tendant à ce que celui-ci se pourvût en cassation contre l’arrêt de la cour d’assises. Dans leur demande, ils soutenaient que la cour d’assises n’avait pas examiné de manière adéquate l’accusation de traite des êtres humains. Ils estimaient que, pour déterminer si cette juridiction avait correctement appliqué l’article 323A du CP, il fallait examiner s’il avait été tiré profit d’une quelconque vulnérabilité des ressortissants étrangers pour les exploiter.
67. Or la Cour relève que le CP ne contient que deux dispositions relatives à des situations de la nature de celles de la présente espèce : l’article 323 qui réprime l’esclavage et l’article 323A qui réprime la traite des êtres humains. Il ressort de ce dernier article que, pour qu’une personne soit jugée coupable de la commission de cette infraction, elle doit avoir accompli l’un des actes qui y sont énumérés dans le but d’exploiter la victime. Or, la traite des êtres humains ne se limite pas à l’exploitation sexuelle, mais s’étend aussi à l’exploitation par le travail à laquelle l’article 323A § 3 du CP se réfère expressément. De plus, la Cour a déjà jugé que la traite des êtres humains au sens de l’article 3 a) du Protocole de Palerme, instrument expressément invoqué, et de l’article 4 a) de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains –instruments déjà ratifiés par la Grèce (paragraphe 37 ci-dessus) – relève de la portée de l’article 4 de la Convention (Rantsev, précité, § 282).
68. Dans ces conditions, on ne saurait prétendre que les autorités judiciaires grecques n’ont pas été rendues attentives à des impératifs liés à l’interdiction de la traite des êtres humains et du travail forcé ou obligatoire. Sans s’appuyer en termes exprès sur l’article 4 de la Convention, les requérants ont puisé dans le droit interne et le droit international des arguments qui dénonçaient clairement une atteinte aux droits garantis par cette disposition de la Convention. Ils ont donc donné aux autorités judiciaires l’occasion d’éviter ou de redresser les violations alléguées, conformément à la finalité de l’article 35 de la Convention. Partant, il convient de rejeter l’exception du Gouvernement.
3. Conclusion
69. La Cour constate que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Elle la déclare donc recevable.
B. Sur le fond
1. Thèses des parties
a) Les requérants
70. Les requérants affirment que les faits de la cause démontrent clairement l’existence d’une situation de travail forcé et que la cour d’assises a fondé sa décision sur une interprétation très étroite de la notion de « traite des êtres humains » et incompatible avec celle de « travail forcé » visée à l’article 4 de la Convention et par d’autres textes internationaux. Ils indiquent que l’interdiction prévue par l’article 4 de la Convention ne vise pas seulement les cas d’états de faiblesse absolue des victimes, d’abandon total de leur liberté ou de « leur exclusion du monde extérieur » (paragraphes 26-27 ci-dessus). Ils ajoutent que les notions de « menace de sanction » et de « travail fourni involontairement » incluent des formes subtiles de menace psychologique, telles que la dénonciation à la police ou aux services de l’immigration ainsi que le refus de verser les salaires. Les requérants considèrent qu’il existe des analogies entre leur cas et celui de la requérante de l’affaire Siliadin (précitée), et ils précisent que dans cette affaire la Cour a recherché si la législation en cause et l’application de celle‑ci avaient été défaillantes au point d’emporter violation de l’article 4 de la Convention de la part de l’État défendeur (Siliadin, précité, § 130).
71. Les requérants soutiennent que, en l’espèce, l’État défendeur ne s’est pas conformé à l’obligation positive qui aurait été la sienne de prévenir la situation de travail forcé, en tant que forme d’exploitation au sens de l’article 323A du CP et des définitions contenues aux articles 3a du Protocole de Palerme et 4a de la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains, de les protéger et de punir les auteurs des actes en cause. Selon eux, il ressort clairement du dossier que les autorités grecques ont sciemment toléré une situation qui laissait présager que des ouvriers migrants seraient soumis au travail forcé. Les requérants indiquent que le médiateur de la République avait informé les autorités de l’emploi continu de migrants en situation irrégulière à Manolada dans des conditions d’exploitation (paragraphes 48-53 ci-dessus). Ils ajoutent que la cour d’assises de Patras a constaté que, en dépit de cet avertissement, la police n’avait pas inspecté l’unité de production de leurs employeurs. Ils considèrent que leurs assertions n’ont pas fait l’objet d’une enquête adéquate. En outre, ils allèguent que ceux d’entre eux qui avaient été blessés n’ont pas été entendus dans leur langue maternelle, mais dans une langue mal maîtrisée par eux, et que la cour d’assises a rejeté leur demande de bénéficier, en tant que victimes de traite des êtres humains, d’un soutien psychologique. S’agissant de ceux d’entre eux qui n’avaient pas été blessés, ils indiquent qu’il a fallu quinze mois au procureur pour rejeter, selon eux de manière sommaire et sans motivation, leur demande l’invitant à engager des poursuites.
72. Enfin, les requérants avancent que le Gouvernement ne conteste pas que le droit interne pertinent ne pénalise pas per se le travail forcé ou que les dispositions relatives à la traite des êtres humains sont appliquées de manière à couvrir aussi les cas de travail forcé.
b) Le Gouvernement
73. Se référant à de longs extraits de l’arrêt de la cour d’assises, le Gouvernement affirme que celle-ci a suffisamment motivé sa décision, qu’elle a pris en considération tous les éléments de preuve et qu’elle n’a pas interprété de manière particulièrement étroite l’article 323A du CP. Selon lui, il ressort clairement des faits de la cause que le travail des requérants n’a pas été exigé sous la menace d’une peine et qu’« aucun droit de propriété n’a été exercé à leur encontre, ce qui aurait réduit leur existence juridique à celle d’objets ». Le Gouvernement indique que, en l’occurrence, les éléments de la contrainte physique ou psychique faisaient défaut. Il ajoute qu’il n’y a pas eu, en outre, impossibilité pour les requérants de faire changer la situation dont ils se plaignaient : à cet égard, il précise qu’ils n’avaient pas été obligés à travailler, qu’ils avaient la possibilité de négocier leurs conditions de travail et qu’ils étaient libres de quitter leur emploi quand ils le voulaient pour en chercher un autre.
74. Le Gouvernement soutient que les autorités se sont entièrement conformées à leurs obligations positives et procédurales découlant de l’article 4 de la Convention en ce qui concerne la question de la traite des êtres humains. Il avance qu’il n’a nullement été prouvé que les autorités connaissaient ou devaient connaître des faits pouvant faire naître des soupçons fondés selon lesquels les requérants couraient un risque réel d’être soumis à un traitement contraire à cette disposition. Il indique que les requérants n’ont déposé aucune plainte, même sous forme de doléance, auprès des autorités de police qui aurait permis à celles-ci d’enquêter sur la situation dont ils disaient faire l’objet.
75. Le Gouvernement estime en outre que les griefs des requérants relatifs à la servitude et au travail obligatoire ont été examinés de manière approfondie par les autorités policières et judiciaires, qui auraient réagi rapidement en arrêtant les auteurs des actes en cause et en les traduisant en justice. Il expose par ailleurs que la législation nationale contient des dispositions pénales et civiles aux fins de lutte contre la traite des êtres humains et de protection des droits des victimes. Sur ce point, il indique que l’article 323A du CP réprime le travail forcé prohibé par l’article 4 de la Convention, et il précise que cette disposition interne punit celui qui, au moyen de l’usage de la force ou de la menace d’un tel usage ou d’un autre moyen coercitif, recrute une personne dans un but d’exploiter, pour son propre compte ou pour le compte d’un tiers, son travail.
76. Le Gouvernement allègue que les requérants qui ont participé au procès en tant que parties civiles demandent en réalité à la Cour de réexaminer et d’amender les constats de la cour d’assises ayant abouti au rejet de leurs arguments. À cet égard, il dit que l’interprétation et l’application du droit national relèvent de la compétence des juridictions internes et précise que la Cour a affirmé ce principe à maintes reprises. En l’occurrence, il indique que la cour d’assises a examiné les allégations des parties et que la décision prise par elle, à l’issue d’une audience tenue sur plusieurs jours, était pleinement motivée.
77. Enfin, le Gouvernement soutient que le droit interne pertinent, notamment l’article 22 § 4 de la Constitution et l’article 323A du CP, et les divers instruments internationaux ratifiés par la Grèce accordaient aux requérants une protection réelle et effective contre la traite des êtres humains et le travail forcé ou obligatoire.
2. Les tiers intervenants
a) La faculté de droit de l’université de Lund en Suède
78. L’intervenante analyse la notion de travail forcé dans le cadre de l’article 4 de la Convention et la manière dont elle peut être distinguée de celle de la servitude à la lumière de la jurisprudence de la Cour. À cet égard, elle propose des clarifications en ce qui concerne l’application du critère du « fardeau insupportable ou excessif » afin de déterminer des circonstances de fait relevant du travail forcé. Selon elle, en l’espèce, la Cour devrait examiner s’il existait une menace de sanction et quelle était l’ampleur de la différence entre les conditions de travail réelles des requérants et celles prévues par la législation du travail. À ses yeux, la restriction à la liberté de mouvement est un critère qui caractérise la servitude mais non le travail forcé. L’intervenante estime que, pour déterminer si la situation en cause avait atteint un certain seuil pour être qualifiée de servitude, il conviendrait d’examiner si les requérants se trouvaient en isolement total, s’ils étaient privés d’autonomie et s’ils subissaient des formes subtiles de contrôle de différents aspects de leur vie.
79. Par la suite, l’intervenante se penche sur l’interaction entre les obligations positives des États découlant de l’article 4 de la Convention et celles imposées par la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains. Selon elle, ces dernières ont une incidence non seulement sur les cas de traite des êtres humains mais aussi sur l’ensemble des cas visés à l’article 4 de la Convention. Toujours selon elle, s’agissant des obligations positives résultant de cette dernière disposition, interprétées à la lumière de la Convention du Conseil de l’Europe précitée, elles ne devraient pas dépendre des exigences du droit pénal national.
b) La Confédération syndicale internationale
80. L’intervenante expose qu’un travailleur est victime d’une violation de l’article 4 de la Convention lorsqu’il est dans l’impossibilité de démissionner de son emploi en raison d’une rétention de ses salaires par son employeur, qu’il est maintenu dans un climat de peur et obligé de travailler des heures supplémentaires (souvent au-delà de ses limites), et qu’il se trouve dans un état de vulnérabilité en raison de son statut de migrant en situation irrégulière. À ses yeux, le fait qu’un travailleur migrant était en situation irrégulière au moment de sa soumission à un travail forcé ne devrait pas avoir d’incidence sur la question de savoir s’il y a eu violation de cette disposition ou si un recours était offert à l’intéressé en droit interne.
81. L’intervenante indique que le droit pénal grec ne prévoit pas de dispositions relatives au travail forcé. Elle considère que les dispositions concernant la traite des êtres humains ne sont pas suffisantes au motif qu’une formulation adéquate relative au consentement de la victime leur fait défaut. Elle ajoute qu’il ressort de la Convention no 29 de l’OIT que la notion de travail forcé est plus large que celle de la traite des êtres humains et qu’il importe que les ordres juridiques nationaux contiennent des dispositions précises tenant compte du principe de l’interprétation stricte du droit pénal. Elle indique également que le droit grec ne prévoit pas non plus de dispositions obligeant les employeurs à verser des salaires impayés à des travailleurs migrants en situation irrégulière.
c) L’organisation Anti-Slavery International
82. L’intervenante présente sa thèse principale comme suit : alors que la reconnaissance et la classification des notions contenues dans l’article 4 de la Convention ont évolué avec le temps, la caractéristique commune de toutes les formes d’exploitation décrites consiste en l’abus de vulnérabilité. Or, pour l’intervenante, cette notion devrait être le point de départ de l’examen de la Cour aux fins de détermination, sous l’angle de l’article 4 de la Convention, de la forme d’exploitation en question.
83. L’intervenante se concentre sur quatre points : a) les caractéristiques connues du travail agricole effectué par les migrants en Europe et les éléments de ce travail associés au travail forcé ou à la traite des êtres humains ; b) l’abus de vulnérabilité, qui selon elle constitue l’un des moyens d’exploitation des victimes de la traite des êtres humains ; c) la portée de l’article 4 de la Convention, ce qui impliquerait l’examen des définitions des comportements proscrits par cette disposition et de la corrélation entre ces comportements ; et d) les obligations substantielles et procédurales sous l’angle de l’article 4 de la Convention en relation avec le travail forcé et la traite des êtres humains.
84. Plus particulièrement, l’intervenante expose que, dans certaines circonstances – à savoir lorsque l’employeur exploite et contrôle les ouvriers en tirant profit de leur statut de migrants en situation irrégulière, et donc de leur vulnérabilité, que la surveillance devient oppressive, que l’hébergement se fait in situ, que les heures de travail sont longues, que les salaires sont bas ou non versés et qu’il y a des menaces de violences en cas de refus de coopération –, le travail est obtenu sous la menace d’une peine et sans le consentement de l’intéressé et constitue un travail forcé. D’après elle, ces éléments peuvent aussi rentrer dans la définition de la traite des êtres humains, qui est à ses yeux un moyen pour imposer l’esclavage ou le travail forcé. L’intervenante estime que c’est la traite des êtres humains qui est définie par l’esclavage et le travail forcé, et non l’inverse.
d) Le AIRE Centre (Advice for Individual Rights in Europe) et la PICUM (Platform for International Cooperation on Undocumented Migrants)
85. Les intervenants abordent les questions suivantes: a) la détermination des éléments nécessaires pour considérer que les conditions de travail tombent sous le coup de l’article 4 § 2 de la Convention et violent cette disposition ; b) le degré de restriction à la liberté, ou à la liberté de mouvement, ainsi que d’ingérence dans l’autonomie et la dignité personnelles qui est requis pour faire tomber un traitement sous le coup de l’article 4 de la Convention ; c) l’interprétation de ces dispositions de manière à éviter des violations des articles 17 et 18 de la Convention ; d) la possibilité d’invoquer les dispositions de la Charte sociale européenne sous l’angle de l’article 53 de la Convention dans des affaires soulevant des questions relatives à l’article 4 de celle-ci ; e) la pertinence du droit communautaire, en particulier l’acquis en matière d’hygiène et de sécurité au travail, par rapport à la définition de conditions de travail convenables et justes.
3. Appréciation de la Cour
a) Sur l’applicabilité de l’article 4 § 2 de la Convention
i. Principes généraux
86. La Cour renvoie à sa jurisprudence pertinente sur les principes généraux régissant l’application de l’article 4 dans le contexte spécifique de la traite des êtres humains (voir notamment Rantsev, précité, §§ 283-289). Vu l’importance de l’article 4 au sein de la Convention, sa portée ne pourrait se limiter aux seuls agissements directs des autorités de l’État. Ladite disposition met aussi à la charge des États membres une série d’obligations positives se rapportant notamment à la prévention de la traite, à la protection des victimes de celle-ci ainsi qu’à la répression de la traite (Siliadin, précité, § 89).
87. Plus particulièrement, il y a la nécessité d’adopter une approche globale pour lutter contre ce phénomène en mettant en place, en plus, des mesures visant à sanctionner les trafiquants, ainsi qu’à prévenir le trafic et protéger les victimes (Rantsev, précité, § 285). Il ressort de la jurisprudence que les États assument, tout d’abord, la responsabilité de mettre en place un cadre juridique et réglementaire approprié, offrant une protection concrète et effective du droit des victimes, réelles et potentielles, de traite. En outre, la législation des États sur l’immigration doit répondre aux préoccupations en matière d’incitation et d’aide à la traite ou de tolérance envers celle-ci (Rantsev, précité, § 287).
88. En deuxième lieu, dans certaines circonstances, l’État se trouve devant l’obligation de prendre des mesures concrètes pour protéger les victimes avérées ou potentielles de traitements contraires à l’article 4. Comme les articles 2 et 3 de la Convention, l’article 4 peut, dans certaines circonstances, imposer à l’État ce type d’obligation (L.E. c. Grèce, no 71545/12, § 66, 21 janvier 2016). Pour qu’il y ait obligation positive de prendre des mesures concrètes dans une affaire donnée, il doit être démontré que les autorités de l’État avaient ou devaient avoir connaissance de circonstances permettant de soupçonner raisonnablement qu’un individu était soumis, ou se trouvait en danger réel et immédiat de l’être, à la traite ou à l’exploitation au sens de l’article 3 a) du Protocole de Palerme et de l’article 4 a) de la Convention anti-traite du Conseil de l’Europe. Si tel est le cas et que les autorités ne prennent pas les mesures appropriées relevant de leurs pouvoirs pour soustraire l’individu à la situation ou au risque en question, il y a violation de l’article 4 de la Convention (ibid., § 66).
89. En troisième lieu, l’article 4 impose une obligation procédurale d’enquêter sur les situations de traite potentielle. L’obligation d’enquête ne dépend pas d’une plainte de la victime ou d’un proche : une fois que la question a été portée à leur attention, les autorités doivent agir (voir, Rantsev, précité, § 232 ; L.E. c. Grèce, précité, § 68 ; voir aussi, mutatis mutandis, Dink c. Turquie, nos 2668/07, 6102/08, 30079/08,7072/09 et 7124/09, § 76, 14 septembre 2010 ; Paul et Audrey Edwards c. Royaume‑Uni, no 46477/99, § 69, CEDH 2002‑II). Pour être effective, l’enquête doit être indépendante des personnes impliquées dans les faits. Elle doit également permettre d’identifier et de sanctionner les responsables. Il s’agit là d’une obligation non de résultat, mais de moyens. Une exigence de célérité et de diligence raisonnable est implicite dans tous les cas mais lorsqu’il est possible de soustraire l’individu concerné à une situation dommageable, l’enquête doit être menée d’urgence. La victime ou le proche doivent être associés à la procédure dans toute la mesure nécessaire à la protection de leurs intérêts légitimes (voir, mutatis mutandis, Paul et Audrey Edwards, précité, §§ 70-73).
90. La Cour rappelle, en outre, que les termes « travail forcé » évoquent l’idée d’une contrainte, physique ou morale. Quant aux termes « travail obligatoire », ils ne peuvent viser une obligation juridique quelconque. Par exemple, un travail à exécuter en vertu d’un contrat librement conclu ne saurait tomber sous le coup de l’article 4 de la Convention par cela seul que l’un des deux contractants s’est engagé envers l’autre à l’accomplir et s’expose à des sanctions s’il n’honore pas sa signature. Il doit s’agir d’un travail « exigé (...) sous la menace d’une peine quelconque » et, de plus, contraire à la volonté de l’intéressé, pour lequel celui-ci « ne s’est pas offert de son plein gré » (Van der Mussele c. Belgique, 23 novembre 1983, § 37, série A no 70, et Siliadin, précité, § 117). Dans l’arrêt Van der Mussele (précité, § 37), la Cour a constaté « la valeur relative » du critère du consentement préalable et a opté pour une approche qui tient compte de l’ensemble des circonstances de la cause. Elle a en particulier observé que, selon les cas et les circonstances, un individu « ne saurait passer pour s’être par avance offert de plein gré » à accomplir certaines tâches. Dès lors, la validité du consentement doit être évaluée à la lumière de l’ensemble des circonstances de la cause.
91. Afin d’éclairer la notion de « travail » au sens de l’article 4 § 2 de la Convention, la Cour précise que tout travail exigé d’un individu sous la menace d’une « peine » ne constitue pas nécessairement un « travail forcé ou obligatoire » prohibé par cette disposition. Il convient en effet de prendre en compte, notamment, la nature et le volume de l’activité en cause. Ces circonstances permettent de distinguer un « travail forcé » de ce qui relève de travaux qui peuvent raisonnablement être exigés au titre de l’entraide familiale ou de la cohabitation. Dans ce sens, la Cour a notamment eu recours, dans l’affaire Van der Mussele (précité, § 39), à la notion de « fardeau disproportionné » pour déterminer si un avocat stagiaire était soumis à un travail obligatoire lorsqu’il était exigé de lui qu’il assure à titre gracieux la défense de clients en qualité d’avocat commis d’office (C.N. et V. c. France, no 67724/09, § 74, 11 octobre 2012).
ii. Application de ces principes en l’espèce
92. La Cour relève d’emblée que les parties ne contestent pas l’applicabilité de l’article 4 en l’espèce.
93. La Cour rappelle qu’il ne peut y avoir aucun doute quant au fait que la traite porte atteinte à la dignité humaine et aux libertés fondamentales de ses victimes et qu’elle ne peut être considérée comme compatible avec une société démocratique ni avec les valeurs consacrées dans la Convention (Rantsev, précité, § 282). Elle renvoie à sa jurisprudence pertinente ayant déjà admis que la traite des êtres humains relève de la portée de l’article 4 de la Convention (voir notamment Rantsev, précité, §§ 272-282). Certes, la présente affaire ne concerne pas l’exploitation sexuelle comme ce fut le cas dans l’affaireRantsev. Toutefois, l’exploitation par le travail constitue aussi un aspect de la traite des êtres humains et les tribunaux grecs ont examiné l’affaire sous cet angle. Cet élément ressort clairement des termes de l’article 4 a) de la Convention anti-traite du Conseil de l’Europe qui dispose notamment que : « l’exploitation comprend, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes » (paragraphe 42 ci-dessus). Autrement dit, l’exploitation du travail constitue une des formes d’exploitation visées par la définition de la traite des êtres humains, ce qui met en évidence la relation intrinsèque entre le travail forcé ou obligatoire et la traite des êtres humains (voir aussi les paragraphes 85-86 et 89-90 du Rapport explicatif à cette Convention, paragraphe 43 ci-dessus). La même idée apparait clairement dans l’article 323A du CP, appliqué en l’occurrence (paragraphe 33 ci-dessus).
94. En l’espèce, la Cour note que les requérants ont été recrutés à différentes dates entre octobre 2012 et février 2013 et qu’ils ont travaillé au moins jusqu’à la date de l’incident, à savoir le 17 avril 2013, sans avoir reçu le salaire convenu et dû jusqu’alors. Si leurs employeurs leur offraient le gîte et le couvert moyennant un prix modique (3 EUR par jour), leurs conditions d’hébergement et de travail étaient particulièrement dures : ils travaillaient dans des serres de 7 heures à 19 heures tous les jours, cueillant des fraises sous le contrôle des contremaîtres armés au service de T.A. ; ils vivaient dans des huttes de fortune faites de carton, de nylon et de bambou et dépourvues de toilettes et d’eau courante ; leurs employeurs ne les payaient pas et les avaient avertis qu’ils ne percevraient leurs salaires que s’ils continuaient à travailler.
95. La Cour observe également que les requérants ne disposaient ni de permis de séjour ni de permis de travail. Les intéressés savaient que leur situation irrégulière les exposait au risque d’être arrêtés et détenus en vue de leur expulsion du territoire grec. Une tentative de quitter leur travail aurait sans doute accru cette perspective et aurait signifié la perte de tout espoir de toucher leur dû ou du moins une partie de celui-ci. Qui plus est, n’ayant pas reçu de salaire, les requérants ne pouvaient ni vivre ailleurs en Grèce ni quitter ce pays.
96. La Cour considère, en outre, que, lorsqu’un employeur abuse de son pouvoir ou tire profit de la situation de vulnérabilité de ses ouvriers afin de les exploiter, ceux-ci n’offrent pas leur travail de plein gré. Le consentement préalable de la victime n’est pas suffisant pour exclure de qualifier un travail de travail forcé. La question de savoir si une personne offre son travail de plein gré est une question factuelle qui doit être examinée à la lumière de toutes les circonstances pertinentes d’une affaire.
97. En l’espèce, la Cour note que les requérants ont commencé à travailler alors qu’ils se trouvaient dans une situation de vulnérabilité, en tant que migrants en situation irrégulière n’ayant pas de ressources et courant le risque d’être arrêtés, détenus et expulsés. Les intéressés se rendaient sans doute compte que, s’ils arrêtaient de travailler, ils n’allaient jamais percevoir les arriérés de leurs salaires dont le montant ne cessait d’augmenter au fil des jours. À supposer même que, au moment de leur embauche, les requérants aient offert leur travail de plein gré et qu’ils aient cru en toute bonne foi qu’ils allaient percevoir leurs salaires, la situation a changé par la suite en raison du comportement de leurs employeurs.
98. La Cour relève aussi que dans sa plaidoirie devant la cour d’assises de Patras, le procureur a exposé certains faits qui n’ont pas été remis en cause par celle-ci dans son arrêt. En particulier, les ouvriers n’étaient pas rémunérés depuis six mois, ils avaient uniquement perçu une très faible somme pour leur alimentation, déduite des salaires, et leur employeur leur avait promis qu’il leur verserait ceux-ci plus tard. Les accusés, sans scrupules, s’imposaient par des menaces et les armes qu’ils portaient sur eux. Les ouvriers travaillaient dans des conditions physiques extrêmes, avaient un horaire exténuant et étaient sujets à une humiliation constante. Le 17 avril 2013, l’employeur avait informé les ouvriers qu’il ne les paierait pas et qu’il les tuerait s’ils ne continuaient pas à travailler pour lui. Les ouvriers n’ayant pas obtempéré à cette menace, il leur avait intimé de partir et les avait avertis qu’il prendrait une autre équipe à leur place et qu’il brûlerait leurs huttes s’ils refusaient de partir. En leur promettant des abris rudimentaires et un salaire journalier de 22 EUR, ce qui constituait pour les victimes la solution unique pour s’assurer un moyen de subsistance, l’employeur avait réussi à obtenir leur consentement au moment de l’embauche afin de les exploiter ultérieurement.
99. La Cour considère, certes, que la situation des requérants ne s’analysait pas en une servitude. À cet égard, elle rappelle que l’élément fondamental qui distingue la servitude du travail forcé ou obligatoire, au sens de l’article 4 de la Convention, consiste dans le sentiment des victimes que leur condition est immuable et que la situation n’est pas susceptible d’évoluer (C.N. et V. c. France, précité, § 91). Or, si tel était le cas de la première requérante de l’affaire C.N. et V. c. France (idem, § 92), en l’espèce, les requérants ne pouvaient pas éprouver pareil sentiment puisqu’ils étaient tous ouvriers saisonniers, recrutés pour la cueillette des fraises. Toutefois, en affirmant que les conditions de travail et d’existence des requérants ne les amenaient pas à vivre dans un état d’exclusion du monde extérieur, sans possibilité pour eux d’abandonner cette relation de travail et de rechercher un autre emploi (paragraphe 26 ci-dessus), la cour d’assises de Patras semble avoir confondu servitude avec traite des êtres humains ou travail forcé en tant que forme d’exploitation aux fins de la traite.
100. Or, les faits de la cause, et notamment les conditions de travail des requérants dont la plupart ont été mises en lumière par l’arrêt de la cour d’assises et qui ne sont pas du reste contestées par le Gouvernement, démontrent clairement qu’ils sont constitutifs de la traite des êtres humains et du travail forcé. En effet, les faits en question cadrent avec la définition de la traite des êtres humains dans l’article 3a du Protocole de Palerme et l’article 4 de la Convention anti-traite du Conseil de l’Europe, infraction prévue dans l’article 323A du CP qui reprend en substance les définitions contenues dans les instruments internationaux susmentionnés. À cet égard, la Cour réitère qu’elle n’a pas pour tâche de se substituer aux juridictions internes. C’est au premier chef aux autorités nationales, notamment aux cours et tribunaux, qu’il incombe d’interpréter la législation interne. Son rôle se limite à vérifier la compatibilité avec la Convention des effets de pareille interprétation (Nejdet Şahin et Perihan Şahin c. Turquie [GC], no 13279/05, § 49, 20 octobre 2011).
La Cour note, de surcroit, que, selon l’article 28 de la Constitution hellénique, les traités internationaux, après leur ratification par voie législative et leur entrée en vigueur, font partie intégrante du droit interne et ont une valeur supérieure à toute disposition contraire de la loi. De cette disposition découle l’obligation pour les tribunaux d’interpréter le droit interne en tenant compte des textes internationaux qui lient la Grèce. Or, en l’occurrence, les juridictions nationales ont interprété et appliqué de façon très restrictive la notion de traite des êtres humains en l’identifiant ou presque à celle de servitude.
101. La Cour conclut donc que la situation des requérants relevait de l’article 4 § 2 de la Convention au titre de la traite des êtres humains et du travail forcé.
102. Il importe à présent d’examiner la question de savoir si l’État défendeur a rempli ses obligations positives découlant de cette disposition.
b) Sur les obligations positives incombant à l’État défendeur au titre de l’article 4 de la Convention
103. La Cour réitère que l’article 4 de la Convention peut, dans certaines circonstances, imposer à l’État de prendre des mesures concrètes pour lutter contre la traite des êtres humains et protéger les victimes avérées ou potentielles de la traite (voir paragraphes 87-89 ci-dessus).
104. Plus particulièrement, les obligations positives qui pèsent sur les États membres en vertu de l’article 4 de la Convention doivent s’interpréter à la lumière de la Convention du Conseil de l’Europe susmentionnée et commandent, outre l’adoption des mesures de prévention, de protection des victimes et d’enquête, la criminalisation et la répression effective de tout acte tendant au maintien d’une personne dans ce genre de situation (Siliadin, précité, § 112). La Cour s’inspire de cette Convention et de la manière dont l’interprète le GRETA.
i. L’obligation de mettre en place un cadre juridique et réglementaire approprié
105. Pour s’acquitter de l’obligation positive de criminaliser et de réprimer effectivement tout acte visé à l’article 4 de la Convention, les États doivent mettre en place un cadre législatif et administratif interdisant et réprimant le travail forcé ou obligatoire, la servitude et l’esclavage (Siliadin, précité, §§ 89 et 112 ; voir, mutatis mutandis, Rantsev, précité, § 285 et L.E. c. Grèce, précité, §§ 70-72). Ainsi, pour déterminer s’il y a eu violation de l’article 4 de la Convention, il faut prendre en compte le cadre juridique et réglementaire en vigueur (Rantsev, précité, § 284).
106. La Cour note, d’une part, que la Grèce avait ratifié ou signé, longtemps avant les faits de la présente affaire, les instruments internationaux majeurs en matière de lutte contre l’esclavage et le travail forcé (paragraphe 37 ci-dessus). Par ailleurs, la Grèce a ratifié tant le Protocole de Palerme de décembre 2000 que la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains du 16 mai 2005. En outre, la Grèce avait transposé dans son ordre juridique la décision-cadre no 2002/629/JAI du Conseil de l’Union européenne ainsi que le texte qui l’a remplacé, à savoir la directive no 2011/36 du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne (paragraphes 46-47 ci-dessus).
107. La Cour relève, d’autre part, que le CP ne contient aucune disposition spécifique relative au travail forcé alors que l’article 22 § 4 de la Constitution prohibe toute forme de travail obligatoire. En revanche, la loi no 3064/2002 transposant dans l’ordre juridique grec la décision-cadre no 2002/629/JAI du Conseil de l’Union européenne relative à la lutte contre la traite des êtres humains, quoiqu’elle ciblait des matières autres que le travail forcé ou la servitude, elle introduisait, comme son intitulé l’indiquait, une réglementation pour combattre la traite des êtres humains. L’article 323A a ainsi été intégré dans le CP dans le cadre de cette transposition. En son premier paragraphe, cet article punit celui qui, au moyen de l’usage de la force ou de la menace d’un tel usage ou d’un autre moyen coercitif ou d’un abus de pouvoir, recrute, transporte, introduit dans le territoire, détient, protège, livre – avec ou sans contrepartie – ou se fait remettre d’un tiers une personne dans un but de lui retirer des cellules, des tissus ou des organes ou d’exploiter, lui-même ou pour le compte d’un autre, son travail ou sa mendicité. En son troisième paragraphe, il punit celui qui accepte le travail fourni par une personne soumise aux conditions décrites au premier paragraphe (paragraphe 33 ci-dessus).
108. Enfin, la loi no 4198/2013 sur la lutte contre la traite des êtres humains, qui a incorporé dans l’ordre juridique grec la directive no 2011/36 du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne, a amendé le code de procédure pénale dans le sens d’une meilleure protection des victimes de la traite lors de la procédure devant les autorités judiciaires (paragraphe 36 ci-dessus).
109. La Cour constate alors que la Grèce s’est conformée pour l’essentiel à l’obligation positive de mettre en place un cadre législatif permettant de lutter contre la traite des êtres humains. Reste à examiner si les autres obligations positives ont été respectées en l’espèce.
ii. Mesures opérationnelles
110. La Cour rappelle que la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains préconise à l’attention des Etats membres toute une série des mesures de prévention de la traite et de protection des droits des victimes. Parmi les mesures de prévention, figurent des mesures tendant à renforcer la coordination au plan national entre les différentes instances chargées de la lutte contre la traite et à décourager la demande qui favorise toutes les formes d’exploitation des personnes, y compris des contrôles aux frontières pour détecter la traite. Parmi les mesures de protection, figurent celles tendant à faciliter l’identification des victimes par des personnes qualifiées et à assister les victimes dans leur rétablissement physique, psychologique et social.
111. En l’espèce, la Cour note d’emblée que, bien avant l’incident du 17 avril 2013, la situation régnant dans les champs de fraises de Manolada était connue des autorités, dont l’attention avait été attirée par des rapports et des articles de presse (paragraphes 54-55 ci-dessus). Ainsi, non seulement des débats ont eu lieu au Parlement à ce sujet, mais trois ministres – à savoir ceux du Travail, de la Santé et de l’Intérieur – ont ordonné des inspections et la préparation de textes visant à l’amélioration de la situation des migrants. Pour autant, force est de constater que cette mobilisation n’a abouti à aucun résultat concret.
112. La Cour observe en outre que, dans un rapport d’avril 2008, le médiateur de la République avait alerté plusieurs ministères et organismes d’État ainsi que le ministère public à propos de cette situation (paragraphes 48-52 ci‑dessus). Le médiateur de la République relevait que les rapports de travail entre les migrants et leurs employeurs étaient caractérisés par une exploitation incontrôlée des premiers par les seconds qui rappelait celle des années de la révolution industrielle. Il constatait que ces rapports étaient régis par la domination physique et économique des employeurs et que l’État était totalement absent. Il recommandait l’adoption par les autorités de toute une série de mesures.
113. La Cour relève cependant que la réaction des autorités a été ponctuelle et que celles-ci n’ont pas apporté, jusqu’à 2013 au moins, une solution générale aux problèmes rencontrés par les travailleurs migrants de Manolada.
114. La Cour note aussi que le commissariat de police d’Amaliada semblait être au courant du refus des employeurs des requérants de verser leurs salaires à ces derniers. Elle se réfère à cet égard au témoignage d’un des policiers lors de l’audience devant la cour d’assises, qui a déclaré que certains ouvriers de l’exploitation s’étaient rendus au commissariat pour se plaindre de ce refus (paragraphe 21 ci-dessus).
115. Compte tenu de ce qui précède, la Cour considère que les mesures opérationnelles prises par les autorités n’étaient pas suffisantes pour prévenir la traite des êtres humains et protéger les requérants du traitement dont ils ont fait l’objet.
iii. Effectivité de l’enquête et de la procédure judiciaire
116. Pour être effective, l’enquête menée en matière d’exploitation doit permettre d’identifier et de sanctionner les responsables. Il s’agit là, cependant, d’une obligation de moyens et non de résultat (Rantsev,précité, § 288). Une exigence de célérité et de diligence raisonnable est implicite dans tous les cas, mais lorsqu’il est possible de soustraire l’individu à une situation dommageable, l’enquête doit être menée d’urgence (ibidem). Quant à savoir quelle forme d’enquête est de nature à permettre la réalisation des objectifs précités, cela peut varier selon les circonstances. Toutefois, quelles que soient les modalités retenues, les autorités doivent agir d’office dès que la question est signalée à leur attention (C.N. c. Royaume-Uni, no 4239/08, § 69, 13 novembre 2012). Par ailleurs et de manière générale, la Cour estime que l’obligation d’enquêter effectivement lie, en cette matière, les autorités de poursuite et les autorités judiciaires. Lorsque ces autorités établissent qu’un employeur aurait eu recours à la traite des êtres humains et au travail forcé, elles devraient en tirer, dans la mesure de leurs compétences respectives, toutes les conséquences découlant de l’application des textes répressifs pertinents.
α) En ce qui concerne les requérants qui n’ont pas participé à la procédure devant la cour d’assises
117. La Cour note que dans leur plainte du 8 mai 2013, ce groupe de requérants exposait deux séries de griefs de nature différente. D’une part, ils affirmaient qu’ils étaient employés dans l’exploitation de T.A. et N.V. dans des conditions de traite d’êtres humains et de travail forcé et se fondaient sur l’article 323A du CP et le « Protocole de Palerme » visant à la prévention, la répression et la sanction de la traite des personnes. D’autre part, ils alléguaient qu’à la date de l’incident, ils étaient aussi présents sur le lieu de l’incident et qu’ils s’y étaient rendus pour revendiquer leurs salaires impayés et que, par conséquent, ils étaient aussi victimes des infractions commises à l’égard des trente-cinq autres plaignants.
118. Afin de rejeter la demande de ces requérants, le procureur d’Amaliada a précisé que si ceux-ci avaient été réellement victimes des infractions qu’ils dénonçaient, ils auraient saisi immédiatement, dès le 17 avril 2013, les autorités de police, comme les trente-cinq autres ouvriers l’avaient fait, et ils n’auraient pas attendu le 8 mai 2013. Il a estimé que l’assertion selon laquelle les plaignants avaient eu peur et quitté leurs huttes n’était pas crédible aux motifs que celles-ci se trouvaient à proximité immédiate du lieu de l’incident et que, dès l’arrivée de la police, les intéressés auraient pu y revenir pour dénoncer les faits litigieux. Il a noté en outre que seuls quatre des cent deux plaignants entendus avaient déclaré avoir été blessés et que, contrairement aux trente‑cinq ouvriers susmentionnés, aucun de ces quatre ouvriers ne s’était rendu à l’hôpital. Enfin, il a relevé que tous les plaignants avaient déclaré avoir fait des dépositions à la police après avoir appris qu’ils recevraient des titres de séjour en tant que victimes de traite d’êtres humains.
119. Il ressort clairement des motifs susmentionnés de la décision du procureur du 4 août 2014 que le rejet de la plainte des requérants était fondé sur des considérations liées aux voies de fait alléguées, notamment par rapport à la présence de ceux-ci le 17 avril 2013 sur le lieu de l’incident et à la question de savoir s’ils avaient été visés par les tirs de fusil et blessés. Rien dans la décision n’est de nature à démontrer que le procureur a réellement examiné la branche du grief des requérants relative à la traite d’êtres humains et de travail forcé. Or, la Cour note que la police avait interrogé chacun des vingt et un requérants, qui avaient signé un procès-verbal contenant leurs déclarations, faites sous serment et accompagnées de leurs photos, et elle avait transmis ces dépositions au procureur (paragraphe 13 ci-dessus).
120. La Cour considère qu’en omettant de vérifier si les allégations de ce groupe des requérants étaient fondées, le procureur a failli à son obligation d’enquête, alors même qu’il disposait des éléments factuels donnant à penser que ces requérants étaient engagés par les mêmes employeurs que les requérants qui ont participé à la procédure devant la cour d’assises et qu’ils travaillaient dans les mêmes conditions que celles auxquelles étaient soumis ces derniers.
121. La Cour considère aussi qu’en rejetant la demande de ce groupe des requérants au motif, entre autres, que ceux-ci ont tardé de saisir les autorités de police, le procureur a méconnu le cadre réglementaire régissant la traite des êtres humains. En effet, l’article 13 de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite prévoit justement un « délai de rétablissement et de réflexion » d’au moins trente jours pour que la personne concernée puisse se rétablir et échapper à l’influence des trafiquants et prenne, en connaissance de cause, une décision quant à sa coopération avec les autorités (paragraphe 42 ci-dessus).
122. Compte tenu de ce qui précède, la Cour rejette l’exception du Gouvernement relative à la qualité de victimes des requérants qui n’ont pas participé à la procédure devant la cour d’assises et estime qu’il y a eu violation de l’article 4 § 2 de la Convention au titre de l’obligation procédurale de mener une enquête effective sur la situation de traite des êtres humains et de travail forcé dénoncée par ces requérants.
β) Quant aux requérants qui ont participé à la procédure devant la cour d’assises
123. La Cour observe que la cour d’assises de Patras a acquitté les accusés du chef de traite d’êtres humains en considérant notamment que les ouvriers ne se trouvaient pas dans l’impossibilité absolue de se protéger eux-mêmes et que leur liberté de mouvement n’était pas compromise, au motif qu’ils étaient libres de quitter leur travail (paragraphes 26-27 ci-dessus). Toutefois, la Cour estime que la restriction à la liberté de mouvement n’est pas une condition sine qua non pour qualifier une situation de travail forcé ou même de traite des êtres humains. Cette forme de restriction se rapporte non pas à la fourniture du travail elle-même mais plutôt à certains aspects de la vie de la victime d’une situation contraire à l’article 4 de la Convention et notamment d’une situation de servitude. Sur ce point, la Cour réitère son constat concernant l’interprétation étroite de la notion de traite par la cour d’assises de Patras qui s’est fondée plutôt sur des éléments propres à la servitude pour ne pas qualifier de traite la situation des requérants (paragraphe 100 ci-dessus). Or, une situation de traite peut exister en dépit de la liberté de mouvement de la victime.
124. Ainsi, la cour d’assises de Patras a non seulement acquitté les défendeurs de l’accusation de traite d’êtres humains, mais a aussi transformé la peine de réclusion prononcée à l’égard des deux de ceux–ci pour dommage corporel grave en une sanction pécuniaire de 5 EUR par jour de détention.
125. Par ailleurs, dans la présente affaire, la Cour note que le procureur près la Cour de cassation a refusé de se pourvoir en cassation contre l’arrêt d’acquittement. À l’allégation des avocats des ouvriers qui soutenaient que la cour d’assises n’avait pas examiné de manière adéquate l’accusation de traite des êtres humains, le procureur a répondu sans autre motivation que « les conditions prévues par la loi pour former un pourvoi ne se trouvaient pas réunies » (paragraphes 30-31 ci-dessus).
126. Enfin, la Cour constate que même dans le contexte de la condamnation de T.A. et de l’un des gardes armés pour dommage corporel grave, la cour d’assises ne les a condamnés qu’à verser pour dommage une somme de 1 500 EUR, soit 43 EUR par ouvrier blessé (paragraphe 22 ci-dessus). Or, l’article 15 de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains fait obligation aux Etats contractants, dont la Grèce, de prévoir, dans leur droit interne, le droit pour les victimes à être indemnisés par les auteurs de l’infraction ainsi que de prendre des mesures afin, entre autres, d’établir un fond d’indemnisation des victimes.
127. Eu égard à ces circonstances, la Cour estime qu’il y a eu violation de l’article 4 § 2 de la Convention au titre de l’obligation procédurale de l’État d’assurer une enquête et une procédure judiciaire effectives sur la situation de traite des êtres humains et de travail forcé dénoncée par ces requérants.
iv. Conclusion
128. Il y a donc eu violation de l’article 4 § 2 en raison du manquement de l’Etat défendeur de remplir ses obligations positives résultant de cette disposition, à savoir, les obligations de prévenir la situation litigieuse de traite des êtres humains, de protéger les victimes, d’enquêter efficacement sur les infractions commises et de sanctionner les responsables de la traite.
II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
129. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
130. Au titre du préjudice matériel, les requérants réclament leurs salaires non perçus, dont les montants, variant de 400 EUR à 2 800 EUR, figurent en annexe de leur requête à la Cour. Ils précisent que leurs employeurs ne tenaient pas de registre indiquant les heures travaillées par chacun d’eux et qu’ils avaient délégué cette tâche aux chefs d’équipe. Ils ajoutent que, devant la cour d’assises, le procureur s’est fondé sur leurs dépositions et que les autorités n’ont pas cherché à vérifier ou à mettre en doute la véracité de celles-ci. Ils estiment que les salaires impayés ont un rapport de cause à effet avec la violation de l’article 4 de la Convention dénoncée par eux : à leurs yeux, la traite des êtres humains et le travail forcé subis par eux sont liés à un manquement de l’État de prendre des mesures préventives à cet égard et l’absence de dédommagement est quant à elle liée à un manquement de l’État de punir le travail forcé et d’en protéger les victimes.
131. Au titre du dommage moral, les requérants blessés lors de l’incident du 17 avril 2013 demandent chacun 16 000 EUR et ceux non blessés réclament 12 000 EUR chacun. À l’appui de leur demande, les requérants indiquent s’être retrouvés dans un état de détresse en raison de leur soumission à un travail forcé et des conditions de celui-ci, qu’ils qualifient de dégradantes. Ils ajoutent avoir été visés par des tirs lors de l’incident susmentionné, et, pour certains, blessés à cette occasion, ainsi qu’avoir été privés de leurs salaires et de toute protection effective. Ils indiquent aussi que, après l’incident du 17 avril 2013, plusieurs d’entre eux sont restés dans les huttes, en espérant que leurs salaires allaient leur être versés, mais qu’ils n’ont même plus reçu de nourriture.
132. En ce qui concerne le dommage matériel, le Gouvernement soutient que la prétention des requérants n’a pas de lien de causalité avec la violation alléguée de l’article 4 de la Convention et qu’elle est vague. Il estime que les requérants ne démontrent pas le bien-fondé des montants réclamés et qu’ils n’expliquent pas pour quelle raison ils n’ont pas saisi les juridictions internes pour revendiquer les sommes correspondantes en application de l’article 904 du code civil, relatif à l’enrichissement sans cause.
133. Quant au dommage moral, le Gouvernement affirme que les requérants qui étaient parties civiles lors de la procédure devant la cour d’assises peuvent saisir les juridictions internes pour obtenir une réparation du préjudice moral allégué. Il considère que les prétentions des requérants devant la Cour sont excessives et qu’un constat de violation constituerait une satisfaction suffisante. Il ajoute que, au cas où la Cour estimerait devoir accorder une somme, celle-ci ne devrait pas dépasser 5 000 EUR pour chacun des requérants s’étant constitués parties civiles lors de la procédure interne susmentionnée.
134. La Cour rappelle avoir conclu à une violation de l’article 4 de la Convention en raison du manquement de l’Etat défendeur de remplir ses obligations positives résultant de cette disposition, à savoir, les obligations de prévenir les situations de traite des êtres humains, de protéger les victimes, d’enquêter efficacement sur les infractions commises et de sanctionner les responsables de la traite. La Cour ne doute pas que les requérants ont subi un dommage matériel, en raison des salaires non-versés par leurs employeurs ainsi que de la décision de la cour d’assises de Patras qui a décidé que ces derniers n’étaient pas coupables de traite d’êtres humains. La Cour estime donc approprié de leur accorder une indemnité à ce titre. Toutefois, en l’état du dossier, la Cour ne peut pas déterminer une somme précise à accorder à chacun d’entre eux. Statuant en équité, la Cour octroie à chacun des requérants ayant participé à la procédure devant la cour d’assises, au titre du dommage matériel et du dommage moral subis par eux, la somme de 16 000 EUR, et à chacun des autres requérants 12 000 EUR, plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt.
B. Frais et dépens
135. Les requérants demandent également 4 363,64 EUR pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes, à savoir devant la cour d’assises pour les requérants qui s’étaient constitués parties civiles et devant le procureur pour les autres. Ils ne demandent rien pour la procédure devant la Cour.
136. Le Gouvernement soutient que les prétentions des requérants n’ont pas de lien de causalité avec la violation alléguée de l’article 4 de la Convention. Il avance par ailleurs que les justificatifs accompagnant ces prétentions ne permettent pas de prouver que les sommes réclamées ont servi à payer des frais de justice ni de vérifier la manière dont celles-ci ont été calculées. Il considère que, au cas où la Cour estimerait devoir accorder une somme, celle-ci ne devrait pas dépasser 1 000 EUR.
137. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En outre, les frais de justice ne sont recouvrables que dans la mesure où ils se rapportent à la violation constatée (Beyeler c. Italie (satisfaction équitable) [GC], no 33202/96, 28 mai 2002, § 27). Enfin, selon l’article 60 § 2 du règlement de la Cour, toute prétention soumise au titre de l’article 41 de la Convention doit être chiffrée et ventilée par rubrique, faute de quoi la Cour peut rejeter tout ou partie de la demande (A, B et C c. Irlande [GC], no 25579/05, § 281, CEDH 2010).
138. Compte tenu des circonstances de l’espèce, des documents en sa possession et de sa jurisprudence, la Cour accorde l’intégralité de la somme réclamée par les requérants pour la procédure devant les instances judiciaires nationales.
C. Intérêts moratoires
139. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Joint au fond l’exception soulevée par le Gouvernement pour défaut de qualité de victimes des requérants qui n’ont pas participé à la procédure devant la cour d’assises et la rejette ;
2. Déclare la requête recevable ;
3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 4 § 2 de la Convention ;
4. Dit
a) que l’État défendeur doit verser, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :
i) à chacun des requérants ayant participé à la procédure devant la cour d’assises (à savoir les requérants sous les numéros 4, 6, 7, 8, 9, 14, 15, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 28, 29, 33, 38, 39 et 42) 16 000 EUR (seize mille euros) et à chacun des autres requérants (figurant sous les numéros 1, 2, 3, 5, 10, 11, 12, 13, 16, 17, 18, 27, 30, 31, 32, 34, 35, 36, 37, 40 et 41) 12 000 EUR (douze mille euros), pour l’ensemble des préjudices subis, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt ;
ii) 4 363,64 EUR (quatre mille trois cent soixante-trois euros et soixante-quatre cents), conjointement aux requérants, plus tout montant pouvant être dû par les requérants à titre d’impôt, pour frais et dépens ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 30 mars 2017, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.
Abel CamposKristina Pardalos
GreffierPrésidente
FIRST
SECTION
CASE OF
CHOWDURY AND OTHERS v. GREECE
(Application
No. 21884/15)
STOP
STRASBOURG
30 March
2017
This
judgment will become final in the circumstances set out in Article 44 § 2 of
the Convention. It may undergo editorial changes.
In the case
of Chowdury and Others v. Greece,
The
European Court of Human Rights (First Section), sitting as a Chamber composed
of:
Kristina
Pardalos, President,
Linos-Alexandre
Sicilianos,
Aleš
Pejchal,
Robert
Spano,
Armen
Harutyunyan,
Tim Eicke,
Jovan Ilievski,
Judges,
And Abel
Campos, Section Registrar,
Having
deliberated in private on 7 March 2017,
Delivers
the following judgment, which was adopted on that date:
PROCEDURE
1. The case
originated in an application (No. 21884/15) against the Hellenic Republic, of
which forty-two Bangladeshi nationals ("the applicants"), whose names
appear in the Annex, submitted to the Court On 27 April 2015 under Article 34
of the Convention for the Protection of Human Rights and Fundamental Freedoms
("the Convention").
2. The
applicants were represented by Mr V. Kerasiotis (Member of the Greek Council
for Refugees), Mr Karavias and Mr Papamina, lawyers in Athens, and Messrs. J.
Goldston and S. Cox, respectively director and lawyer of the Open Society
Justice Initiative. The Greek Government ("the Government") was
represented by the delegates of its Agent, Mr K. Georghiadis and Mrs K.
Nasopoulou, Assessors of the State Legal Council. Comments were also received
from the Law Faculty of Lund University in Sweden, the International Trade
Union Confederation, the Anti-Slavery International organization, the AIRE
Center and the PICUM (Platform for International Cooperation on Undocumented
Migrants), which the President had authorized to intervene in the written
proceedings as third parties (Rule 36 § 2 of the Convention and Rule 44 § 3
(a)).
3. The
applicants alleged that their work in the strawberry fields at Manolada
amounted to forced labor and that their situation was one of trafficking in
human beings (Article 4 of the Convention).
4. On 9
September 2015, the application was communicated to the Government.
IN FACT
I. THE
CIRCUMSTANCES OF THE CASE
5. The
applicants, Bangladeshi migrants living in Greece without a work permit, were
recruited at various dates between October 2012 and February 2013 in Athens and
other localities to work in the region's largest strawberry farm in Manolada ,
A village of 2,000 inhabitants located in the Ilia Regional District, in the
Western Peloponnese. In the region, several production units of different sizes
specialize in the intensive cultivation of strawberries. Local production,
which covers 90% of the Greek market, is destined for 70% export. Most of the
workers are irregular migrants from Pakistan and Bangladesh. Some are
permanently employed on farms, others are seasonal.
6. At the
head of the production unit at issue were T.A. and N.V., the applicants'
employers.
They were
part of a total of 150 workers divided into three teams, each headed by a
Bangladeshi national who was accountable to T.A.
7. The
workers had been promised EUR 22 (EUR) of wages for seven working hours and EUR
3 per additional hour, less EUR 3 per day for food. They worked in greenhouses
from 7 am to 7 pm daily, picking strawberries under the control of armed guards
at TA's pay. They lived in makeshift huts made of cardboard, nylon and bamboo,
without a toilet And running water. According to them, their employers had
warned them that they would only pay their wages if they continued to work for
them.
8. On three
occasions - at the end of February 2013, in mid-March 2013 and on 15 April 2013
- the workers went on strike in order to claim payment of their salaries in
vain.
On 17 April
2013, employers brought other Bangladeshi migrants to work in the fields.
Fearing not to be paid, one hundred to one hundred and fifty workers recruited
for the 2012-2013 season who worked in the fields went to the two employers who
were present and asked for their unpaid wages. One of the armed guards then
opened fire on the workers, seriously injuring thirty of them, among whom
twenty-one of the applicants (numbers 4, 6, 7, 8, 9, 14, 15, 19, 20, 21, 22,
23, 24, 25, 26, 28, 29, 33, 38, 39 and 42). The wounded were taken to the
hospital and heard by the police. 9. On 18 and 19 April 2013, the police
arrested N.V. and T.A., as well as guarding him at the origin of the shooting
and another armed foreman. In the preliminary investigation conducted by the
local police, the applicants' compatriots, some of whom had working
relationships with the suspects, acted as interpreters.
10. On 19
April 2013, Amaliada's prosecutor prosecuted the four suspects for attempted
homicide and other offenses and also, following a request by the prosecutor at
the Court of Cassation, for On the basis of Article 323A of the Criminal Code
(CC). The charge of attempted homicide was later reclassified as serious bodily
harm.
11. On 22
April 2013, the Amaliada prosecutor acknowledged that 35 workers - including
four team leaders - who had all been injured in the incident, were victims of
trafficking in human beings, As a consequence of making the stay of such
workers legal under section 12 of Act No. 3064/2002 (on the suppression of
trafficking in human beings, crimes against sexual freedom, child pornography
and, more generally, Sexual exploitation).
12. On 8
May 2013, one hundred and twenty other workers, including the twenty-one
unharmed applicants (under Nos. 1, 2, 3, 5, 10, 11, 12, 13, 16, 17, 18, 27, 30,
31, 32, 34, 35, 36, 37, 40 and 41), asked Amaliada's prosecutor to charge four
defendants for human trafficking, attempted homicide and assault towards them.
They alleged that they were employed in the T.A. and N.V. operation in
conditions of trafficking in human beings and forced labor and that they were
part of the group that had been shot. On the basis of the Additional Protocol
to the United Nations Convention against Transnational Organized Crime, known
as the Palermo Protocol of December 2000 (on the Prevention, Punishment and
Punishment of Trafficking in Persons) Prosecution under section 323A of the
Criminal Code against their employers, alleging that they had exploited them in
the course of their work. They further alleged that, on 17 April 2013, they
were also present at the scene of the incident and that they had gone there to
claim their unpaid wages and that, as a result, they were also Victims of the
offenses committed with respect to the other 35 complainants.
13. The
police questioned each of the aforementioned twenty-one applicants, who signed
minutes containing their statements, sworn and accompanied by their
photographs, and transmitted these statements to the public prosecutor.
14. By a
decision No. 26/2014 of 4 August 2014, the Amaliada prosecutor rejected the
application of the 120 workers. He pointed out that these workers had been
sought to testify at the preliminary inquiry and that only one hundred and two
of them had been found and heard (including the twenty-one applicants mentioned
in paragraph 12 above). He noted that it was clear from their testimony and
other evidence that their allegations did not correspond to reality. He stated
that if they had really been victims of the offenses they alleged, they would
immediately have seized the police authorities, as the other thirty-five
workers had done, on 17 April 2013, and they would not have Not expected on 8
May 2013. He considered that the assertion that the complainants had been
frightened and left their huts was not credible on the grounds that they were
in the immediate vicinity of the scene of the incident and that, The arrival of
the police, the persons concerned could have gone back there to denounce the
facts in dispute. He further noted that only four of the 120 complainants heard
that they had been injured and that, unlike the above-mentioned 35 workers,
none of the four workers had gone to the hospital. Finally, he noted that all
the complainants had stated that they had made statements to the police after
learning that they would receive residence permits as victims of trafficking in
human beings.
15. On 28
January 2015 the Prosecutor at the Patras Court of Appeal, on appeal, dismissed
the appeal of the 120 workers against Decision No. 26/2014 on the grounds that
the evidence in the case did not allow for a " To substantiate the
allegations of the persons concerned and that they had attempted to present
themselves as victims of trafficking in human beings in order to obtain
residence permits in the country (Decision No 3/2015).
16. The
accused were remanded for trial before the Assize Court in Patras. Only N.V was
accused of committing the offense of trafficking in human beings. The other
three accused, namely T.A. and the two armed foremen, were accused of
complicity in the crime. The hearings began on 6 June 2014 and ended on 30 July
2014. The above-mentioned 35 workers joined the civil parties and were
represented by the lawyers V. Kerasiotis and M. Karabeïdis, whose fees were
borne by the Hellenic Council For the refugees and the Hellenic League for
Human Rights.
17. In his
pleadings, the public prosecutor argued that the applicants who had been
injured during the incident resided and worked in Greece without a permit at
the mercy of the networks of exploitation of human beings and under conditions
which made it possible to qualify them Victims of trafficking in human beings.
In his view, both the objective element and the subjective element of that
infringement were met in the present case.
18. The
prosecutor also pointed out that exploitation in the context of work was part
of the concept of exploitation, as it appeared in international and European
texts, as a means of committing the offense of trafficking in human beings
Human resources. He stated that Article 4 of the Convention and Article 22 of
the Greek Constitution prohibited forced or compulsory labor. It stated that
the concept of exploitation in the context of work included all acts which
constituted a violation of labor legislation, such as those relating to working
hours, conditions of work and insurance of workers. According to him, this form
of exploitation was also carried out by the provision of work on behalf of the
offender himself.
19.
Referring to the facts of the case, the public prosecutor stated that the
employer had not paid the workers for six months, that he had paid them only a
very small sum for their food, deducted from wages, and that He had promised
them he would pay them later. He related the following: the accused were
unscrupulous and imposed themselves by threats and the weapons they carried on
them; The workers worked in extreme physical conditions, had strenuous work
schedules, and were subject to constant humiliation; On 17 April 2013, NV had
informed the workers that he would not pay them and that he would kill them,
with the help of his co-accused, if they did not continue to work for him; The
workers had not obeyed the threat and he had told them to leave and warned them
that he would take another team in their place and burn their huts if they
refused to leave. Finally, he noted that at the time of the recruitment, NV had
promised the plaintiffs rudimentary shelter and a daily wage of EUR 22 - which
he considered constituted for the victims the only solution to ensure a means
of subsistence - At that time it had succeeded in obtaining the consent of the
persons concerned in order to be able to exploit them at a later date.
20. The
prosecutor asserted that the incident of 17 April 2013 was indicative of a
situation of overexploitation and barbarism to which the large landowners in
the region had subjected migrant workers. He believed that this was a barbaric
aggression and was armed by the Greek employers against these migrants and that
this incident referred to images of a "South Slave" having no place
in Greece.
21. At the
hearing one of the witnesses, a policeman from Amaliada police station, said
that one or two days before the workers' incident of 17 April 2013 had gone to
the police station to denounce a refusal by their employers To pay them their
salaries and that one of his colleagues subsequently had a telephone interview
with NV on this subject.
22. In a
judgment of 30 July 2014 the Assize Court acquitted the four defendants of the
charge of trafficking in human beings on the ground that the objective element
of the infringement was not established in the present case . She sentenced one
of the armed guards and T.A. for serious bodily injury and illegal use of
firearms to fourteen years and seven months' imprisonment and eight years and
seven months respectively. As regards the foreman responsible for the firing,
she considered that he did not intend to kill the persons assaulted during the
incident and that he wanted to force them to move away to avoid That the newly
recruited workmen were approached by them. In the case of NV, it acquitted him
on the grounds that it had not been established that he was one of the
employers of the workers (and therefore had an obligation to pay them their
salaries) or He was involved as an instigator of the armed aggression directed
against them. The Assize Court converts the sentences imposed into a monetary
penalty of 5 euros per day of detention. It also ordered the two convicted men
to pay the sum of EUR 1,500 to the thirty-five recognized workers
(approximately EUR 43 per person).
23. The
Assize Court noted that the working conditions of the workers provided that
they would receive: EUR 22 for seven working hours and EUR 3 per additional
hour; Food, the cost of which would be deducted from their wages; And materials
for the construction of electrified huts next to the plantations, at the
expense of their employers, for the purpose of meeting their basic
accommodation needs - without prejudice to the possibility of accommodation
elsewhere in the area. It noted that these conditions were brought to the
knowledge of all the workers by those of their compatriots who were at the head
of the teams.
24. The
Assize Court thus observed that the workers had been informed of their working
conditions and had accepted them after considering them to be satisfactory. As
to the amount of wages, she found that this was the usual amount proposed by
the other producers in the region and that the workers had in no way been
forced to accept it. According to her, the information provided to interested
parties by their chiefs and compatriots working for other employers as to the
consistency in the payment of wages had been an important factor in the choice
of T.A. as an employer. The Assize Court also noted that, until the end of
February 2013, the workers had expressed no complaints about the behavior of
the workers and the payment of wages, They had begun complaining only late
February-early March 2013 of a delay in this payment.
25. The
Assize Court also rejected the workers' allegations that they had received no
salary and had been subjected to a threatening and intimidating attitude on the
part of the accused throughout the period of their For the first time at the
hearing, and not at the stage of the preliminary investigation and the
investigation; The commission of intimidation would have caused the
complainants to leave their place of work; The description of these acts was
particularly imprecise and vague. The Assize Court also noted that it was clear
from the testimony of the workers that in their free time they could move
freely in the area, shop in shops with agreements with the accused, play
cricket and Participate in the association created by their compatriots. It
added that it had therefore not been demonstrated that TA had, under a false
pretext and by means of promises, ripped off the workers' consent to work for
him and took advantage of a situation of vulnerability of the latter,
Especially since it considered that they were not in such a situation.
26. The
Assize Court also considered that it had been shown that the relations between
the workers and their employers were governed by an employment relationship
which bound them and that the conditions of that relationship were not intended
to entrap the persons concerned And to lead to domination of these by their
employers. On this point, it stated that these conditions did not cause the
complainants to live in a state of exclusion from the outside world, with no
possibility for them to abandon that relationship and seek other employment. It
also noted that the persons concerned had been able to negotiate their working
conditions at the time of their recruitment and that their illegal stay in
Greek territory had not been used by their employers as a means of coercion to
force them to continue To provide their work.
27. The
Assize Court stated that, in order for the concept of vulnerability to be
constituted, the victim had to be in a state of impoverishment such that his
refusal to submit to the perpetrator appeared absurd, That is to say that the
victim must be in a state of absolute weakness preventing him from protecting
herself. She added that the victim would be exploited as a result of her
vulnerability if she was unconditionally committed to the authority of the
perpetrator and was in a situation of exclusion from the outside world, which
she said Was not the case in this case because: (a) the relationship between
workers and their employers was governed by an employment relationship which
united them; (B) the particular conditions of the employment relationship were
not intended either to trap workers or to lead to their domination by their
employers, which might result in exclusion from the outside world and the
impossibility of abandoning This work relationship and look for another job.
The Assize Court further observed that most of the workers had stated that they
would have continued to work for their employers if they had received their
wages.
28.
Finally, with regard to the workers' allegation that they had been threatened
with death by the accused, whom it did not detain, the Assize Court considered
that, if that assertion had been established, The persons concerned would have
left their place of work without hesitation. In her opinion, the feeling of
fear for her life had to prevail over any consideration (such as: the demand
for wages owed, the need to make a living, which could not have been satisfied
because of The objective impossibility of finding another job, and all the
other arguments that the workers had put forward to justify that they had
continued to provide their work.
29. On 30
July 2014, the convicted defendants appealed against the judgment of the Assize
Court. The appeal, which is still pending before the same court, has suspensory
effect.
30. On 21
October 2014 the workers' lawyers lodged a petition with the public prosecutor
at the Court of Cassation, seeking an appeal on points of law against the
judgment of the Assize Court. In their application they contended that the
Assize Court had not adequately examined the charge of trafficking in human
beings. They considered that, in order to determine whether that court had
correctly applied Article 323A CC, it was necessary to examine whether any
advantage had been taken of any vulnerability of foreign nationals to exploit
them.
31. On 27
October 2014, the public prosecutor refused to appeal to the Court of
Cassation. He gave his reasons for the decision, stating only that the
conditions laid down by law for appeal were not met. By that decision the part
of the judgment of 30 July 2014 concerning trafficking in human beings became
"irrevocable"
II.
RELEVANT DOMESTIC LAW
32. Article
22 § 3 of the Constitution provides:
"Any
form of compulsory labor is prohibited. "
33. Article
323 (servitude) of the Criminal Code and Article 323A (on trafficking in human
beings) of the same Code, as amended by Act No. 3064/2002 (amending the
Criminal Code on trafficking in human beings) Human beings, pornography -
juvenile debauchery, procuring, victim assistance) have the following:
Article 323
"1. He
who practices bondage shall be punished with imprisonment.
2.
Servitude shall include any act of arrest, appropriation and making available
to a person who purports to transform him into a slave, any act of acquisition
of a slave for the purpose of reselling or slavery, Exchange, the act of
transfer by means of the sale or exchange of a slave already acquired and, in
general, any act of slave trade or transport.
(...) »
Article
323A
"1. A
person who, by means of the use of force or the threat of such use or other
coercive means or abuse of authority or power or abduction, recruits,
Transports, enters, holds, protects, delivers - with or without consideration -
or receives from a third party a person for the purpose of removing cells, tissues
or organs or exploiting, On behalf of another, his work or begging, shall be
punished with a prison sentence of up to ten years and a fine of between ten
thousand and fifty thousand euros.
2. The
above-mentioned sentence shall also be imposed on the perpetrator of the
offense who, seeking to obtain the same aim, obtains the consent of a person or
draws him on a false pretext, taking advantage of his vulnerability, Through
promises, gifts, money or other benefits.
3. A person
who knowingly accepts the work of a person subject to the conditions described
in paragraphs 1 and 2 shall be punished with a term of imprisonment of at least
six months.
4. A person
who has committed the offense referred to in the preceding paragraphs shall be
punished with a term of imprisonment of at least ten years and a fine ranging
from fifty thousand to one hundred thousand euros if the offense:
(...)
(B) is committed repeatedly;
(...)
(D) has
resulted in a particularly serious injury to the health of the injured party or
has exposed the life of the injured party to a serious danger. "
34. In its
judgment no. 673/2011 the Court of Cassation pointed out that, as regards
trafficking in human beings (Article 323a CC), the element of the physical
domination of the perpetrator of the offense against the victim Was
differentiated both quantitatively and qualitatively, in relation to its
substance and duration, from servitude (Article 323 CC), since it did not
require the total subjugation of the victim or his constant and uninterrupted
domination of him The perpetrator of the conduct in question. The High Court
held that acts of unlawful violence, threats, blackmail and forcible
confinement constituted the means of committing the crime of trafficking in
human beings, and that the principle of the taking of such acts by that crime
prevailed over the Principle of the competition of infringements. As to the
subjective element of the offense, the Court of Cassation held that the
perpetrator must have committed fraud. It stated that the existence of the
fraud resulted from the knowledge and willingness of the perpetrator to
recruit, transport, take away, assist or sequester a person by means of the use
Force or threat and for the purpose of exploiting its work. In its view, such
exploitation was carried out when the victim provided his work either directly
to the perpetrator of the infringement or to the benefit of third parties who
paid the compensation to the latter and the possible fraud was not sufficient.
35. The CP
does not contain specific provisions on forced labor. Article 323A has been
incorporated into this code by Act No. 3064/2002 (punishing trafficking in
human beings, crimes against sexual freedom, child pornography and, more
generally, sexual exploitation) which has transposed Law No 2002/629 / JHA of
19 July 2002 on combating trafficking in human beings. This standard has been
replaced by Directive 2011/36 of the European Parliament and of the Council of
the European Union of 5 April 2011 on preventing and combating trafficking in
human beings and protecting victims, which Was incorporated in Greece by Act
No. 4198/2013 of 11 October 2013.
36. Article
4 of Act No. 4198/2013 amended certain articles of the Code of Criminal
Procedure and added an article 226B (witnesses victims of trafficking in human
beings and procuring), which, in its relevant part, Reads as follows:
"1.
When a victim is examined as a witness of the acts referred to in Articles 323A
(...) of the Penal Code, a psychologist or psychiatrist is appointed as an
expert ....
2. The
psychologist or psychiatrist prepares the injured person for the interview, in
collaboration with the investigators and the magistrates. To this end, it uses
appropriate diagnostic methods, decides on the cognitive capacity and the
psychic situation of the injured party and formulates its findings in writing
in an integral part of the file. (...)
3. The
testimony of the injured party shall be in writing and recorded electronically
whenever possible. (...)
4. The
written statement of the injured party shall be read at the hearing.
(...) »
37. Greece
had already ratified the Geneva Convention of 25 September 1926 prohibiting
slavery before the facts of the present case, Convention No. 29 of the
International Labor Organization (ILO) of 28 June 1930 on labor ("ILO
Convention No. 29"), as well as the Supplementary Convention on the
Abolition of Slavery of 30 April 1956 and the "Palermo Protocol" of
December 2000. As regards the Europe on the fight against trafficking in human
beings of 16 May 2005, it signed it on 17 November 2005 and ratified on 11
April 2014. The Convention entered into force on 1 August 2014.
III.
RELEVANT INTERNATIONAL LAW
38. The
Court refers to paragraphs 49 to 51 of Siliadin v. 73316/01, ECHR 2005-VII) and
in paragraphs 137 to 174 of the Rantsev v. Cyprus and Russia (No. 25965/04,
ECHR 2010 (extracts)), which set out the relevant provisions of the
international conventions on forced labor, bondage, slavery and trafficking in
human beings (Convention Geneva Convention of 25 September 1926 prohibiting
slavery, ILO Convention No. 29, Convention for the Suppression of the Traffic
in Persons and of the Exploitation of the Prostitution of Others of 2 December
1949, Supplementary Convention Abolition of Slavery of 30 April 1956, the
Abolition of Forced Labor Convention (ILO Convention No. 105), the Palermo
Protocol of December 2000, the Council of Europe Convention on the Action
against Trafficking in Human Beings of 16 May 2005, as well as relevant
extracts from Council of Europe work in this area (Parliamentary Assembly
Recommendations 1523 of 26 June 2001 and 1623 of 22 June 2004; E Of the Council
of Europe Convention on Action against Trafficking in Human Beings).
A. The
International Labor Organization
39. Article
2 § 1 of ILO Convention No. 29 reads as follows:
"...
the term forced or compulsory labor shall mean any work or service exacted from
an individual under the threat of any penalty and for which the said person has
not voluntarily offered himself. "
40. The
following extracts from the Global Report should be added under the follow-up
to the ILO Declaration on Fundamental Principles and Rights at Work, entitled
"The cost of coercion" adopted by the International Labor Conference
in 1999 :
"24.
In the ILO definition of forced labor, two elements must be met: the work or
service is carried out under the threat of a penalty and against the will of
the person . All the work of the ILO supervisory bodies has served to clarify
these two aspects. The sentence in question is not necessarily a criminal
measure and may consist of a loss of rights and privileges. The threat of
retaliation may also take the most diverse forms, ranging from extreme cases to
violence or physical restraint and even death threats to the victim or his
family. There are more subtle, sometimes psychological, threats: illegal
workers threatened with being exposed to police or immigration services, young
women forced into prostitution in remote cities and threatened To denounce to
the notables of their villages - situations which the ILO has regularly been
called upon to examine. Financial measures may also be used, including the
withdrawal of part of the salary for repayment of debts; The employer may
require the worker to surrender his identity papers or force him to work by
threatening to confiscate them.
25.
Regarding "voluntary" labor or service provision, ILO supervisory
bodies have examined various facets of the problem, including the form and
purpose of consent, The impact of external constraints or indirect pressures,
and the possibility of canceling a voluntary agreement. Here again, there are a
variety of subtle forms of constraint. Victims of forced labor are often people
who initially committed themselves voluntarily to work - even if it was
necessary to abuse their trust - and who later understand that they are no
longer free to Leave them, hampered by links that may be of a legal, physical
or psychological nature. However, initial consent may be considered worthless
if obtained through fraud or breach of trust.
B. The
United Nations
41. Article
3a of the Protocol to Prevent, Suppress and Punish Trafficking in Persons,
Especially Women and Children (Protocol of Palermo) to the United Nations
Convention against Transnational Organized Crime provides:
"For
the purposes of this Protocol:
(A)
"Trafficking in persons" means the recruitment, transportation,
transfer, harboring or receipt of persons, through the threat of use or use of
force or other forms of coercion, By abduction, fraud, deception, abuse of
authority or vulnerability, or by the offer or acceptance of payments or
benefits to obtain the consent of a person having authority over another for
the purpose of Operation. Exploitation shall include, as a minimum, the
exploitation of the prostitution of others or other forms of sexual
exploitation, forced labor or services, slavery or practices similar to
slavery, servitude or Removal of organs. "
C. The
Council of Europe
42. The
relevant provisions of the Council of Europe Convention on Action against
Trafficking in Human Beings provide:
Article 4 -
Definitions
"For
the purposes of this Convention:
at.
"Trafficking in human beings" means the recruitment, transportation,
transfer, harboring or receipt of persons, through the threat of use or use of
force or other forms of coercion, Kidnapping, fraud, deception, abuse of
authority or a situation of vulnerability, or by the offer or acceptance of
payments or benefits to obtain the consent of a person having authority over
another person, Operation. Exploitation shall include, as a minimum, the
exploitation of the prostitution of others or other forms of sexual
exploitation, forced labor or services, slavery or practices similar to
slavery, servitude or Organ harvesting;
B. The consent
of a victim of "trafficking in human beings" to the intended
exploitation, as set out in subparagraph (a) of this Article, is irrelevant
where any of the means set forth in subparagraph (A) was used;
C. The
recruitment, transportation, transfer, harboring or receipt of a child for the
purpose of exploitation is considered to be a "trafficking in human
beings", even though they do not use any of the means set out in
subparagraph (A) of this Article;
D. The term
"child" means any person under the age of eighteen years;
E. The term
"victim" means any natural person who is subjected to trafficking in
human beings as defined in this article. "
Article 5 -
Prevention of trafficking in human beings
"1.
Each Party shall take steps to establish or strengthen coordination at the
national level between the various bodies responsible for preventing and
combating trafficking in human beings.
2. Each
Party shall establish and / or support effective policies and programs to
prevent trafficking in human beings through such means as: research;
Information, awareness-raising and education campaigns; Social and economic
initiatives and training programs, in particular for persons vulnerable to
trafficking and professionals involved in trafficking in human beings.
(...) »
Article 10 - Identification of victims
"2.
Each Party shall adopt the necessary legislative or other measures to identify
victims, as appropriate, in collaboration with other Parties and with supporting
organizations. Each Party shall ensure that, if the competent authorities
consider that there are reasonable grounds to believe that a person has been a
victim of trafficking in human beings, it shall not be removed from its
territory until the end of the process Identification as a victim of the
offense provided for in Article 18 of this Convention by the competent
authorities and shall receive the assistance provided for in Article 12 (1) and
(2). '
C. The
Council of Europe
42. The
relevant provisions of the Council of Europe Convention on Action against
Trafficking in Human Beings provide:
Article 4 -
Definitions
"For
the purposes of this Convention:
at.
"Trafficking in human beings" means the recruitment, transport,
transfer, harboring or receipt of persons, through the threat of use or use of
force or other forms of coercion, Kidnapping, fraud, deception, abuse of
authority or a situation of vulnerability, or by the offer or acceptance of
payments or benefits to obtain the consent of a person having authority over
another person, Operation. Exploitation shall include, as a minimum, the
exploitation of the prostitution of others or other forms of sexual
exploitation, forced labor or services, slavery or practices similar to
slavery, servitude or Organ harvesting;
B. The
consent of a victim of "trafficking in human beings" to the intended
exploitation, as set out in subparagraph (a) of this Article, is irrelevant
where any of the means set forth in subparagraph (A) was used;
C. The
recruitment, transportation, transfer, harboring or receipt of a child for the
purpose of exploitation is considered to be a "trafficking in human
beings" even though they do not use any of the means set out in
subparagraph (A) of this Article;
D. The term
"child" means any person under the age of eighteen years;
E. The term
"victim" means any natural person who is subjected to trafficking in
human beings as defined in this article. "
Article 5 -
Prevention of trafficking in human beings
"1.
Each Party shall take steps to establish or strengthen coordination at the
national level between the various bodies responsible for preventing and
combating trafficking in human beings.
2. Each
Party shall establish and / or support effective policies and programs to
prevent trafficking in human beings through such means as: research;
Information, awareness-raising and education campaigns; Social and economic
initiatives and training programs, in particular for persons vulnerable to
trafficking and professionals involved in trafficking in human beings.
(...) »
Article 10 - Identification of victims
"2.
Each Party shall adopt the necessary legislative or other measures to identify
victims, as appropriate, in collaboration with other Parties and with
supporting organizations. Each Party shall ensure that, if the competent
authorities consider that there are reasonable grounds to believe that a person
has been a victim of trafficking in human beings, it shall not be removed from
its territory until the end of the process Identification as a victim of the
offense provided for in Article 18 of this Convention by the competent
authorities and shall receive the assistance provided for in Article 12 (1) and
(2).
Article 13
- Time for restoration and reflection
"1.
Each Party shall provide in its internal law a period of restoration and
reflection of at least 30 days where there are reasonable grounds to believe
that the person concerned is a victim. This period shall be of sufficient
duration for the person concerned to recover and escape the influence of the
traffickers and / or make an informed decision as to his cooperation with the
competent authorities. During that period, no expulsion measures may be taken
against him. This provision is without prejudice to the activities carried out
by the competent authorities in each of the phases of the applicable national
procedure, in particular during the investigation and prosecution of the
alleged offenses. During this period, the Parties authorize the stay of the
person concerned in their territory.
2. During
this period, the persons referred to in paragraph 1 of this Article shall be
entitled to the measures provided for in Article 12 (1) and (2).
3. The
Parties are not bound to observe this time limit on grounds of public policy or
when it appears that the status of victim is being invoked unduly. "
Article 15
- Indemnification and redress
"1.
Each Party shall guarantee to victims, from the time of their first contact
with the competent authorities, access to information on the relevant judicial
and administrative proceedings in a language they may understand.
2. Each
Party shall provide in its domestic law the right to legal assistance and free
legal assistance for victims in accordance with the conditions laid down in its
domestic law.
3. Each
Party shall provide in its domestic law the right of victims to be compensated
by offenders.
4. Each
Party shall adopt such legislative or other measures as may be necessary to
ensure that compensation for victims is guaranteed under the conditions laid
down in its domestic law, for example through the establishment of a fund for
the compensation of victims or Other measures or programs for the social assistance
and integration of victims which could be financed from the assets resulting
from the application of the measures provided for in Article 23. "
43. The
relevant extracts from the Explanatory Report to the above-mentioned Convention
read as follows:
"74.
According to the definition, trafficking in human beings consists of a
combination of three basic elements, each of which must be included in a list
set out in the definition:
- Action:
"the recruitment, transportation, transfer, accommodation or reception of
persons"
- by means
of: "the threat of recourse or use of force or other forms of coercion,
abduction, fraud, deception, abuse of authority or vulnerability, Acceptance of
payments or benefits to obtain the consent of a person having authority over
another "
- Purpose:
"for the purpose of exploitation. Exploitation shall include, as a
minimum, the exploitation of the prostitution of others or other forms of
sexual exploitation, forced labor or services, slavery or practices similar to
slavery, servitude or Removal of organs ".
75.
Trafficking in human beings is a combination of the elements listed above and
not those elements taken in isolation. (...)
76.
Trafficking in human beings requires, in principle, the collection of elements
belonging to the three categories mentioned above (action - medium - purpose).
(...)
77. Thus,
the phenomenon of trafficking largely transcends mere trafficking organized for
profit. What distinguishes trafficking from the smuggling of migrants are the
critical additional elements of resorting to one of the stated means (force,
deception, abuse of a situation of vulnerability) throughout or at a given
stage of the process, For operational purposes.
(...)
The means
are "threat of recourse or use of force or other forms of coercion, abduction,
fraud, deception, abuse of authority or a situation of vulnerability, The
acceptance of payments or benefits to obtain the consent of a person having
authority over another. "
82.
"Fraud" and "deception" are frequently used by traffickers,
for example, when they make victims believe that they will obtain an attractive
work contract when they are intended to be exploited.
83. Abuse
of a position of vulnerability is the abuse of any situation in which the
person concerned has no real and acceptable choice but to submit. It can
therefore be any kind of vulnerability, be it physical, psychic, emotional,
family, social or economic. This situation may be, for example, a precarious or
illegal administrative situation, a situation of economic dependency or a
fragile state of health. In short, it is the totality of situations of distress
that may lead a human being to accept his exploitation. Individuals abusing
such a situation commit a flagrant violation of human rights and an attack on
their dignity and integrity which can not be validly waived.
(...)
85. The aim
pursued must be the exploitation of the person. The Convention provides that
"exploitation shall include, as a minimum, the exploitation of the
prostitution of others or other forms of sexual exploitation, forced labor or
services, slavery or practices similar to slavery , Servitude or removal of
organs ". This means that the national legislature may aim at other forms
of exploitation but must at least consider the forms of exploitation cited as constituting
elements of trafficking in human beings.
86. The
forms of exploitation covered by the definition cover both sexual exploitation,
exploitation of labor and removal of organs. Indeed, crime is increasingly
tending to diversify its activities in order to provide people to exploit in
all sectors where demand is emerging.
(...)
89.
"Forced labor" is also not defined by the Convention. Nevertheless,
there are several relevant international instruments, for example: Article 4 of
the Universal Declaration of Human Rights, Article 8 of the International
Covenant on Civil and Political Rights; The ILO Convention on Forced or
Compulsory Labor (ILO Convention No. 29) and the ILO Convention on the
Elimination of Forced Labor (ILO Convention No. 105) (1957).
90. Article
4 of the ECHR prohibits, but does not define, forced labor. The authors of the
ECHR drew on Convention No. 29 on forced or compulsory labor of the ILO of 29
June 1930, which defined as forced or compulsory "any work or service
exacted from an individual under the threat of Any punishment and for which the
said person has not offered himself voluntarily ". In the Van der Müssele
v. (Judgment of 23 November 1983, Series A, no. 70, para. 37), the Court found
"the relative value" of the prior consent test and opted for an
approach which takes into account all the circumstances of the case . In
particular, it observed that, depending on the circumstances and circumstances,
an individual "can not be said to have offered himself voluntarily"
to accomplish certain tasks. Accordingly, the validity of the consent must be
assessed in the light of all the circumstances of the case.
(...)
97. Article
4 (b) specifies that the consent of a victim of "trafficking in human
beings" to the intended exploitation, as set out in article 4 (a), is
irrelevant When any of the means set out in paragraph (a) has been used. The
question of consent is not simple and it is not easy to determine where free
choice stops and where coercion begins. In the area of trafficking, some
people do not know what is in store for them, others know perfectly well that
it is a question of prostitution. However, even if a person wishes to find a
job, and possibly prostitute, that does not mean that she agrees to be
subjected to abuses of all kinds. For this reason, Article 4 (b) provides that
there is trafficking in human beings whether or not the victim consents to his
exploitation. "
44. In
addition, in its 4th General Report on its activities (covering the period from
1 August 2013 to 30 September 2014), the Council of Europe's Group of Experts
on Action against Trafficking in Human Beings (GRETA) Was:
"GRETA
found that some countries focused almost exclusively on trafficking for the
purpose of sexual exploitation and did not focus sufficiently on designing
measures to prevent trafficking for other purposes. For example, GRETA urged
the Spanish authorities to develop measures to promote awareness of trafficking
for labor exploitation and to organize information and education activities on
trafficking, including Children. "
Then, in
its 5th General Report (covering the period from 1 October 2014 to 31 December
2015), GRETA added:
"94.
Article 10 of the Convention imposes a positive obligation on States parties to
identify victims of trafficking. The Convention provides that the competent
authorities must have trained and qualified personnel to identify and support
victims, including children, and that the authorities should collaborate with
each other and with relevant organizations Support, such as NGOs. Identifying
victims is a time-consuming process. Even if the identification process is not
completed, as soon as the competent authorities consider that there are
reasonable grounds to believe that a person is a victim, they must not expel
him from their territory - either To his country of origin or a third country.
97. GRETA
also noted with regard to Italy that the detection of victims of trafficking
for labor exploitation was particularly complicated because "the informal
economy" occupies a rather important place in certain sectors. Given that
the Italian immigration law does not provide for the possibility of legally employing
workers who are already in an irregular situation in Italy, they have no choice
but to work in the informal economy , Very often under operating conditions.
The economic sectors in which a large number of irregular migrants are
exploited include agriculture, construction and the textile industry. GRETA
urged the Italian authorities to take measures to reduce the particular
vulnerability to trafficking that is characteristic of irregular migrants. It
also invited them to study the consequences of immigration legislation,
including the offense of illegal entry and residence, for the identification
and protection of victims of trafficking and the prosecution of traffickers.
98. In its
report on Spain, GRETA expressed concern about the lack of training and
awareness of the rights of victims of trafficking among members of the border
police and members of asylum services, Temporary detention centers for
foreigners (in particular in the autonomous cities of Ceuta and Melilla),
reception reception centers for asylum seekers, detention centers or
third-country nationals are awaiting deportation, As well as judicial bodies
responsible for taking expulsion measures.
D. The
European Union
45. Article
5 of the Charter of Fundamental Rights of the European Union provides:
Prohibition
of slavery and forced labor
"1. No
one shall be held in slavery or servitude.
2. No one
shall be compelled to perform forced or compulsory labor.
3.
Trafficking in human beings is prohibited. "
46.
Framework Decision 2002/629 / JHA of the Council of the European Union of 19
July 2002 on combating trafficking in human beings provides in particular:
First
article
Offenses
related to trafficking in human beings for the purpose of exploiting their
labor or sexual exploitation
'1. Each
Member State shall take the necessary measures to ensure that the following
acts are punishable: recruitment, transport, transfer, accommodation,
subsequent reception of a person, including transfer or transfer The control
exercised over it:
(A) when coercion,
force or threats are used, including kidnapping, or
(B) where
deception or fraud is used, or
(C) where
there is abuse of authority or a situation of vulnerability, in such a way that
the person actually has no other real and acceptable choice than to submit to
such abuse, or
(D) where
there is an offer or acceptance of payments or benefits to obtain the consent
of a person having authority over another person for the purpose of the work or
services of that person, including the form , Forced or compulsory labor or
services, slavery or practices similar to slavery or servitude, or for the
purpose of exploiting the prostitution of others and other forms of sexual
exploitation , Including pornography.
2. The
consent of a victim of trafficking in human beings to the intended or actual
exploitation is irrelevant where any of the means referred to in paragraph 1
has been used.
3. Where
the acts referred to in paragraph 1 concern a child, they shall be subject to
trafficking in human beings and, as such, shall be punishable, even if none of
the means referred to in paragraph 1 has been used. "
Article 2
Instigation,
participation, complicity and attempt
'Each
Member State shall take the necessary measures to ensure that the incitement to
commit, commit, conspire or attempt to commit any of the offenses referred to
in Article 1 is punishable . "
Article 7
Protection
and assistance to victims
'1. Member
States shall ensure that the investigation or prosecution of the offenses
covered by this Framework Decision does not depend on the statement or
accusation of a person who is the victim of the infringement, Cases in which
Article 6 (1) (a) applies.
(...) »
47.
Directive 2011/36 / EU of the European Parliament and of the Council of 5 April
2011 on preventing and combating trafficking in human beings and protecting
victims and replacing Framework Decision 2002 / 629 / JHA provides in
particular:
First
article
Object
'This
Directive lays down minimum rules for the definition of criminal offenses and
penalties in the field of trafficking in human beings. It also introduces
common provisions, taking into account gender equality issues, in order to
strengthen the prevention of this crime and the protection of victims. "
Article 2
Offenses
related to trafficking in human beings
'1. Member
States shall take the necessary measures to ensure that the following
intentional acts are punishable:
The
recruitment, transportation, transfer, harboring or reception of persons,
including the exchange or transfer of control over such persons, by the threat
of recourse or use of force or other forms Coercion, abduction, fraud, deceit,
abuse of authority or a situation of vulnerability, or by the offer or
acceptance of payments or benefits to obtain the consent of a person having
authority over another , For operational purposes.
2. A
situation of vulnerability means that the person concerned has no other real or
acceptable choice than to submit to this abuse.
3.
Exploitation shall include, as a minimum, the exploitation of the prostitution
of others or other forms of sexual exploitation, forced labor or services,
including begging, slavery or practices similar to Slavery, servitude, the
exploitation of criminal activities, or the removal of organs.
4. The
consent of a victim of trafficking in human beings to exploitation, whether
envisaged or actual, is irrelevant where one of the means referred to in
paragraph 1 has been used.
5. Where
the acts referred to in paragraph 1 concern a child, they shall be subject to
trafficking in human beings and, as such, shall be punishable, even if none of
the means referred to in paragraph 1 has been used.
6. For the
purposes of this Directive, "child" means any person under the age of
18 years. "
Article 3
Incitement,
participation and complicity, and attempt
'Member
States shall take the necessary measures to ensure that incitement to, or
participation in, an offense referred to in Article 2 is committed or
complicated, or to attempt to commit such offense . "
Article 4
Sanctions
'1. Member
States shall take the measures necessary to ensure that an offense referred to
in Article 2 is punishable by a maximum penalty of at least five years'
imprisonment.
2. Member
States shall take the necessary measures to ensure that an offense referred to
in Article 2 is punishable by a maximum penalty of at least 10 years'
imprisonment where the offense:
(A) was
committed against a victim who was particularly vulnerable, which, in the
context of this Directive, includes at least child victims;
(B) was
committed within the framework of a criminal organization within the meaning of
Council Framework Decision 2008/841 / JHA of 24 October 2008 on combating
organized crime (1);
(C)
deliberately or through gross negligence endangered the life of the victim; or
(D) has
been committed by means of serious violence or has caused particularly serious
harm to the victim.
3. Member
States shall take the necessary measures to ensure that, in the case of an
offense referred to in Article 2 committed by a public official in the
performance of his duties, that circumstance shall be regarded as an
aggravating circumstance.
4. Member
States shall take the necessary measures to ensure that the offenses referred
to in Article 3 are punishable by effective, proportionate and dissuasive
penalties, which may include remission. "
IV. REPORTS
CONCERNING THE SITUATION REGULATING IN MANOLADA
A. The
Ombudsman of the Republic
48. The
Ombudsman of the Republic drew up a report dated 22 April 2008 following the
publication of several articles in the print and electronic media, which
reported numerous cases of the exploitation of large-scale foreigners in the
district Regional level.
In his
report to several government departments and agencies, as well as to the public
prosecutor's office, he commented on the situation in Manolada and made
recommendations for improvement.
49. The
Ombudsman of the Republic reported that hundreds of economic migrants lived in
miserable conditions in improvised camps in the region. He said that, in
addition to being subjected to poor working conditions, migrants appeared to be
living under a regime of deprivation of liberty because, according to press
reports, their employers - owners of strawberry greenhouses, "Greenhouses
of shame" - had established a framework for their activities, even during
their free time.
50.
Referring to the same articles in the press, the Ombudsman also stated that:
migrants were poorly paid, were working in unacceptable conditions and were
obliged to pay their pay - which would have been very low - to their Employers
to be able to purchase commodities and services from them (rent for a
"miserable roof", rudimentary provision of water and sometimes
electricity, purchase of staple foods); The dirty waters of the camps were polluting
the Katochi lagoon, a protected natural area integrated into the European
Natura 2000 network; Poor hygiene was a concern not only for the health of
migrants but also for the health of the local population; In the camps,
employers illegally set up shops in which migrants were obliged to buy
necessities; At the end of the work, some employers denounced irregular
migrants to the police in order to avoid paying them their salaries.
51. The
Ombudsman of the Republic stated that labor relations were characterized by
uncontrolled exploitation of migrants, which he recalled that of the early
years of the Industrial Revolution and that they were governed by the physical
and economic domination of the employers. It noted that groups of vulnerable
people were affected and noted that the State was completely absent.
52. The
Ombudsman of the Republic invited the various national authorities to carry out
checks and he advocated the adoption by them of a whole series of measures
which he considered to be appropriate.
53. In a
letter dated 26 May 2008, the Minister of Labor informed the Ombudsman of the
Republic that eleven inspections had been carried out. He indicated that these
inspections had revealed eight cases of non-correspondence of wages paid to
those provided for in the collective agreements and two cases of work by
minors. He added that an undertaking had temporarily suspended its operating
license for having committed several offenses and for ignoring the instructions
of the labor inspectors.
B. The facts
reported by the Reintegration Center for Migrant Workers with the support of
the European Commission
54. A
report on Greece, prepared as part of a project to combat trafficking in human
beings - beyond (2011) by the Center for the Reintegration of Migrant Workers
with the support of the European Commission, Reports the reaction of the
authorities following the revelation of the situation experienced by migrants
working in the strawberry fields in Manolada. The report refers to a large
number of press articles published in 2008. It contains the elements set
out below.
55. The
situation of migrant workers in Manolada was brought to the attention of the
public in the spring of 2008 through a long article entitled "Red gold: a
sweet taste with bitter roots", published in the Epsilon supplement of the
edition Of the newspaper "Elefterotypia". The article, describing in
detail the working conditions of the migrant workers in Manolada and denouncing
the existence of a human trafficking, provoked a debate in the Greek
Parliament. As a result of this publication, the Minister of Labor asked the
Labor Inspectorate to carry out checks. In addition, the health minister
ordered health checks and the Minister of the Interior said he was preparing a
decision that would oblige employers to provide decent accommodation for
seasonal workers
56. The
Minister of Labor also found that inspections had taken place in 2006 and 2007
and had led to prosecutions that had not been successful. As for the new
inspections ordered by this minister, they did not have any consequences: most
strawberries managed to hide the migrant workers, and only a few of them were
prosecuted for using Irregular migrants (one or two producers) or minors (two
producers).
57.
According to the press reports on which the aforementioned report was based, in
April 2008, 1,500 workers refused to work and gathered in the village square to
demand payment of their wages due and an increase in wages to 30 EUR per day.
On the second day of the "strike" movement, trade unionists from the
Communist Party supported the migrants, and the armed foremen of the producers
attacked and struck trade unionists, who were considered responsible for the
attitude of the migrants, and Than journalists. The latter, discouraged from
continuing to write articles on the subject, would have been threatened with
death. That evening, the armed guards destroyed the migrants' huts and fired
shots into the air to intimidate the migrants. The police did not make any
arrests. The migrants took refuge on the coast and spent the night there.
IN LAW
I. ALLEGED
VIOLATION OF ARTICLE 4 § 2 OF THE CONVENTION
58. The
applicants complained that the work done by them in the strawberry fields at
Manolada had constituted forced or compulsory labor. They state that the State
has a positive obligation to prevent their submission to a situation of
trafficking in human beings, to adopt preventive measures to this effect and to
punish their employers who, in their view, have been guilty of This offense.
They accuse the State of having failed to fulfill this obligation. They
complain of a violation of Article 4 § 2 of the Convention, which reads as
follows:
"No
one shall be compelled to perform forced or compulsory labor. "
A.
Admissibility
1. On the
quality of victim
59. The
Government requested the Court to dismiss the application in respect of the
applicants under Nos. 4, 6, 7, 8, 9, 14, 15, 19, 20, 22, 23, 24, 25, 26, 28 ,
29, 33, 38, 39 and 42 on the ground that they did not participate as a civil
party in the proceedings before the Assize Court. He states that the complaints
of these applicants were rejected by both the prosecutor at Amaliada Criminal
Court and the Prosecutor at the Patras Court of Appeal. He considers that the
assertions of the applicants that they worked in the fields of N.V.
strawberries and did not receive their salaries for this work do not call into
question the findings of the two prosecutors. It adds in that regard that it is
not for the Court to substitute its own assessment for that of the prosecutors
who, at first instance and on appeal, found that there were no victims of
trafficking in human beings for those applicants .
60. The
applicants allege that the twenty-one of them who were not injured in the
incident of 17 April 2013 were members of the group of workers who were working
and were present that day, That they therefore have the status of victims. They
criticized the Amaliada prosecutor for failing to examine individually the case
of each of the one hundred and two workers heard by the investigating
authorities: they maintain that the prosecutor made a global assessment of
their statements and rejected them On the basis of doubts he may have had with
regard to only some of them. The applicants allege that the Amaliada public
prosecutor's submissions were irrelevant in the case of the twenty-one of them
who had not been injured and did not contain any evidence contradicting the
statements of the applicants. They add that, on the date that the Amaliada Attorney's
decision was rendered, the case concerned charges of assault and that the
prosecutor therefore only examined whether the plaintiffs were victims of the
offense and not Trafficking in human beings.
61. The
Court considers that in the particular circumstances of the present case the
Government's objection is so closely connected with the substance of the
complaint of that group of applicants that it should be joined to the merits,
Examination of the effectiveness of the investigation (see paragraphs 117-122
below).
2. Failure
to exhaust domestic remedies
62. The
Government maintained that the applicants had not exhausted domestic remedies
on the ground that at no stage of the domestic proceedings they had clearly
referred to one of the rights guaranteed by the Convention, Invoked by the
applicants in their application before the Court - not to be subjected to
forced labor and trafficking in human beings. He stated that their allegations
before the domestic courts were based essentially on domestic law. It considers
that the mere invocation of Article 323A CC without explicit reference to
Article 4 of the Convention can not be regarded as having been sufficient to
enable the Assize Court and the Prosecutor of the Court of Cassation To examine
the case under the Convention.
63. The
applicants submitted that the right not to be subjected to forced labor was
central to criminal proceedings relating to the charge of trafficking in
persons for the purpose of exploitation in the course of employment. They
contend that their submission to forced labor was no doubt in the eyes of the
prosecutors and the courts that had to deal with the case. They state that, in
its submissions on the merits, the Government asserts that the various State
authorities were aware of their allegations that they were subjected to forced
labor and requested the protection of the State. In the applicants' submission,
the Government expressly acknowledges that proceedings under Article 323A CC
were initiated for the purposes of compliance by the State with its obligations
under Article 4 of the Convention and that the complaints of violation of
Article Prohibition of forced labor had been examined by the police and
judicial authorities.
64. The
Court reiterates that, within the framework of the system for the protection of
human rights, the rule of exhaustion of domestic remedies must apply with a
certain degree of flexibility and without excessive formalism, Demands not only
referral to the competent national courts and the exercise of remedies to
combat a contested decision already made which allegedly infringes a right
guaranteed by the Convention: this rule also obliges, in principle, to raise
before the same courts, Less in substance and in the forms and within the
time-limits prescribed by domestic law, the complaints which it is intended
subsequently to formulate at international level (see, among many others,
Fressoz and Roire v. France [GC], No. 29183 / 95, § 37, ECHR 1999-I and Azinas
v. Cyprus [GC], no. 56679/00, § 38, ECHR 2004-III).
65. In the
present case, the Court notes that, in the Patras Assize Court, the Prosecutor
argued that Article 323A CC penalizing trafficking in human beings must be
interpreted in the light of Article 22 of the Constitution, which prohibits all
forms of compulsory labor, and Article 4 of the Convention (see paragraph 18
above). It also observes that the twenty-one injured applicants submitted a
request to the public prosecutor at the Court of Cassation that the applicant
should appeal in cassation against the judgment of the Assize Court and, In
support of that application, that in order to determine whether the Assize
Court had correctly applied Article 323A CC, it was necessary to examine
whether there had been exploitation of foreign nationals by taking advantage of
their vulnerability (paragraph 30 above). It further finds that the
complainant, when he appealed to the Amaliada public prosecutor on 8 May 2013,
invoked the "Palermo Protocol" and requested the public prosecutor to
initiate proceedings under section 323A of the Criminal Code Against their
employers, which they alleged had exploited them in connection with the work
(see paragraph 12 above).
66. For its
part, in its judgment of 30 July 2014, the Assize Court acquitted the four
defendants of the charge of trafficking in human beings. The workers' lawyers
then applied to the public prosecutor at the Court of Cassation for a request
that the latter appeal in cassation against the judgment of the Assize Court.
In their application they contended that the Assize Court had not adequately
examined the charge of trafficking in human beings. They considered that, in
order to determine whether that court had correctly applied Article 323A CC, it
was necessary to examine whether any advantage had been taken of any
vulnerability of foreign nationals to exploit them.
67. The
Court notes that the PC contains only two provisions relating to situations of
the nature of the present case: Article 323, which punishes slavery, and
Article 323A, which punishes trafficking in human beings. It is clear from the
latter article that in order for a person to be found guilty of the commission
of that offense, he must have performed one of the acts enumerated therein for
the purpose of exploiting the victim. Trafficking in human beings is not
limited to sexual exploitation, but also extends to exploitation through labor,
to which Article 323a § 3 of the CC specifically refers. In addition, the Court
has already held that trafficking in human beings within the meaning of Article
3 (a) of the Palermo Protocol, the instrument expressly invoked, and Article 4
(a) of the Council of Europe Convention on The fight against trafficking in
human beings - instruments already ratified by Greece (see paragraph 37 above)
- falls within the scope of Article 4 of the Convention (Rantsev, cited above,
§ 282).
68. In
those circumstances it can not be claimed that the Greek judicial authorities
were not made aware of the requirements connected with the prohibition of
trafficking in human beings and forced or compulsory labor. Without express
reliance on Article 4 of the Convention, the applicants drew upon domestic law
and international law arguments which clearly denounced an infringement of the
rights guaranteed by that provision of the Convention. They therefore provided
the judicial authorities with an opportunity to avoid or redress the alleged
violations, in accordance with the purpose of Article 35 of the Convention.
Accordingly, the Government's objection must be rejected.
3.
Conclusion
69. The
Court finds that the application is not manifestly ill-founded within the
meaning of Article 35 § 3 (a) of the Convention and that there are no other
grounds for inadmissibility. It therefore declares it admissible.
B.
Background
1.
Submissions of the parties
(A) The
applicants
70. The
applicants claim that the facts of the case clearly demonstrate the existence
of a situation of forced labor and that the Assize Court based its decision on
a very narrow interpretation of the concept of "trafficking in human
beings" and Incompatible with that of "forced labor" referred to
in article 4 of the Convention and by other international instruments. They
state that the prohibition in Article 4 of the Convention does not apply only
to cases of absolute weakness of the victims, total abandonment of their
freedom or "exclusion from the outside world" (paragraphs 26- 27
above). They add that the concepts of "threat of punishment" and
"involuntarily provided work" include subtle forms of psychological
threat, such as denunciation to the police or immigration services and the
refusal to pay wages. The applicants considered that there was an analogy
between their case and that of the applicant in the Siliadin case (cited above)
and stated that in that case the Court had examined whether the legislation in
question and its application Had been so flawed as to infringe Article 4 of the
Convention on the part of the respondent State (Siliadin, cited above, § 130).
71. The
applicants submit that, in the present case, the respondent State failed to
comply with its positive obligation to prevent the situation of forced labor as
a form of exploitation within the meaning of Article 323A CC and the
definitions contained in Articles 3a of the Palermo Protocol and 4a of the
Convention on Action against Trafficking in Human Beings, to protect them and
to punish the perpetrators of the acts in question. In their view, it is clear
from the file that the Greek authorities knowingly tolerated a situation which
suggested that migrant workers would be subjected to forced labor. The
applicants state that the Ombudsman of the Republic informed the authorities of
the continuous employment of irregular migrants in Manolada under operational
conditions (see paragraphs 48-53 above). They add that the Patras Assize Court
found that, despite this warning, the police had not inspected the production
units of their employers. They consider that their assertions have not been
adequately investigated. Furthermore, they allege that those who were injured were
not heard in their mother tongue but in a language poorly controlled by them
and that the Assize Court rejected their request to As victims of trafficking
in human beings, of psychological support. As for those of them who had not
been injured, they indicated that it took the prosecutor fifteen months to
reject, in their view, in a summary and unjustified manner, their request to
prosecute.
72.
Finally, the applicants submit that the Government does not dispute that the
relevant domestic law does not penalize per se forced labor or that the
provisions on trafficking in human beings are applied in such a way as to cover
also cases of forced labor.
(B) The
Government
73.
Referring to long extracts from the judgment of the Assize Court, the
Government asserted that it had given sufficient reasons for its decision, that
it had taken all the evidence into account and that it did not, Has not
particularly interpreted Article 323A CC. According to him, it is clear from
the facts of the case that the applicants' work was not demanded under the
threat of a penalty and that "no property rights have been exercised
against them, which would have reduced Their legal existence to that of objects
". The Government indicated that, in the present case, the elements of
physical or mental constraint were lacking. He adds that there was no further
impossibility for the applicants to alter the situation complained of: in that
regard he stated that they had not been obliged to work, Had the opportunity to
negotiate their working conditions and were free to leave their jobs when they
wanted to look for another.
74. The
Government maintained that the authorities had fully complied with their positive
and procedural obligations under Article 4 of the Convention with regard to the
question of trafficking in human beings. It submits that there has been no
evidence that the authorities knew or should have been aware of facts which
could give rise to well-founded suspicions that the applicants were in actual
danger of being subjected to treatment contrary to that provision. He indicates
that the applicants have not lodged any complaint, even in the form of
grievance, with the police authorities, which would have enabled the latter to
investigate the situation they were facing.
75. The
Government further considered that the applicants' complaints relating to
easement and compulsory labor had been thoroughly examined by the police and
judicial authorities, which had responded promptly by appointing the
perpetrators of the acts in question and translating them into justice. It also
states that national legislation contains penal and civil provisions for
combating trafficking in human beings and protecting the rights of victims. On
this point, he pointed out that Article 323A CC punished forced labor
prohibited by Article 4 of the Convention and pointed out that this internal
provision punished those who, through the use of force or Threatens such use or
other coercive means, recruits a person for the purpose of exploiting his work
for his own account or on behalf of a third party.
76. The
Government alleged that the applicants who had participated in the proceedings
as civil parties in fact requested the Court to reconsider and amend the
findings of the Assize Court which had led to the rejection of their arguments.
In that regard he said that the interpretation and application of national law
fell within the jurisdiction of the domestic courts and stated that the Court
had affirmed that principle on numerous occasions. In the present case, he
stated that the Assize Court had examined the allegations of the parties and
that the decision taken by it at the end of a multi-day hearing was fully
reasoned
77. Finally,
the Government submitted that the relevant domestic law, in particular Article
22 § 4 of the Constitution and Article 323A CC, and the various international
instruments ratified by Greece, gave the applicants effective and effective
protection against Trafficking in human beings and forced or compulsory labor.
2.
Third-party interveners
A) The
Faculty of Law of the University of Lund in Sweden
78. The
intervener analyzed the concept of forced labor in the context of article 4 of
the Convention and how it could be distinguished from that of servitude in the
light of the Court's case-law. In this regard, it proposes clarifications
regarding the application of the "unbearable or excessive burden"
test to determine factual circumstances relating to forced labor. In the
present case, the Court should consider whether there was a threat of penalties
and what was the difference between the actual working conditions of the
applicants and those of the labor legislation. In his view, the restriction on
freedom of movement is a criterion that characterizes servitude but not forced
labor. The intervener submits that in order to determine whether the situation
in question had reached a certain threshold in order to qualify as an easement,
it would be necessary to consider whether the applicants were in total
isolation, whether they were deprived of autonomy and whether they Underwent
subtle forms of control over different aspects of their lives.
79. She
then turned to the interaction between the positive obligations of States under
Article 4 of the Convention and those imposed by the Council of Europe
Convention on Action against Trafficking in Human Beings Human resources. In
its view, the latter have an impact not only on cases of trafficking in human
beings but also on all the cases referred to in Article 4 of the Convention. In
its view, as regards the positive obligations arising from the latter
provision, interpreted in the light of the aforementioned Council of Europe
Convention, they should not depend on the requirements of national criminal
law.
(B) The
International Trade Union Confederation
80. The
intervener submits that a worker is the victim of a violation of Article 4 of
the Convention where he is unable to resign from his post because of retention
of his wages by his employer, That he is kept in a climate of fear and forced
to work overtime (often beyond his limits) and that he is in a state of
vulnerability because of his status as an irregular migrant. In his view the
fact that a migrant worker was in an irregular situation at the time of his
submission to forced labor should not have any bearing on the question whether
there had been a violation of that provision or whether an appeal Was offered
to the person concerned under domestic law.
81. The
intervener stated that there were no provisions in the Greek criminal law
relating to forced labor. It considers that the provisions concerning
trafficking in human beings are not sufficient on the ground that they do not
have adequate language on the victim's consent. It adds that ILO Convention No.
29 provides that the concept of forced labor is broader than that of
trafficking in human beings and that it is important that national legal orders
contain specific provisions which take account of the principle Of the strict
interpretation of criminal law. It also states that Greek law does not provide
for any provisions requiring employers to pay unpaid wages to migrant workers
in an irregular situation.
C) Anti-Slavery International
82. The
speaker maintains her main thesis as follows: while the recognition and
classification of the concepts contained in Article 4 of the Convention have
evolved over time, the common characteristic of all forms of exploitation
described is Abuse of vulnerability. In the view of the intervener, that
concept should be the starting point for the Court's consideration of the form
of exploitation in question in the light of Article 4 of the Convention.
83. The
speaker concentrates on four points: (a) known characteristics of agricultural labor
performed by migrants in Europe and the elements of this work associated with
forced labor or trafficking in human beings; (B) abuse of vulnerability, which
it considers to be one of the means of exploitation of victims of trafficking
in human beings; (C) the scope of Article 4 of the Convention, which would
involve an examination of the definitions of the conduct prohibited by that
provision and the correlation between those behaviors; And (d) substantive and
procedural obligations under Article 4 of the Convention in relation to forced
labor and trafficking in human beings.
84. More
specifically, the intervener submits that, in certain circumstances - that is,
when the employer exploits and controls workers by taking advantage of their
status as irregular migrants, and thus their vulnerability, that surveillance
becomes oppressive, That housing is done in situ, working hours are long, wages
are low or not paid and there are threats of violence in the event of refusal
of cooperation - work is obtained under threat Sentence and without the consent
of the person concerned and constitutes forced labor. According to her, these
elements can also be included in the definition of trafficking in human beings,
which in her view is a means of imposing slavery or forced labor. She believed
that trafficking in human beings was defined by slavery and forced labor, and
not the other way round.
D) The AIRE
Center (Advice for Individual Rights in Europe) and the PICUM (Platform for
International Cooperation on Undocumented Migrants)
85. The
interveners dealt with the following issues: (a) determination of the elements
necessary to consider that working conditions fell within the scope of Article
4 § 2 of the Convention and violated that provision; (B) the degree of restriction
on freedom or freedom of movement and interference with the personal autonomy
and dignity required to bring about a treatment under Article 4 of the
Convention; (C) the interpretation of these provisions so as to avoid
violations of Articles 17 and 18 of the Convention; (D) the possibility of
invoking the provisions of the European Social Charter under Article 53 of the
Convention in cases raising questions relating to Article 4 of the Convention;
(E) the relevance of Community law, in particular the health and safety at work
acquis, in relation to the definition of suitable and fair working conditions.
3. Findings
of the Court
(A) The
applicability of Article 4 § 2 of the Convention
I. General principles
86. The
Court refers to its relevant case-law on the general principles governing the
application of Article 4 in the specific context of trafficking in human beings
(see, in particular, Rantsev, cited above, §§ 283-289). Given the importance of
article 4 in the Convention, its scope could not be limited to the direct
actions of the State authorities. That provision also imposes on the Member
States a series of positive obligations relating in particular to the
prevention of trafficking, the protection of victims of trafficking and the
suppression of trafficking (Siliadin, cited above, § 89).
87. More
specifically, there is a need for a comprehensive approach to combating this
phenomenon, in addition to introducing measures to punish traffickers and to
prevent trafficking and protect victims (Rantsev , Cited above, § 285). It is
clear from the jurisprudence that States first assume responsibility for
establishing an appropriate legal and regulatory framework, providing concrete
and effective protection for the rights of actual and potential victims of
trafficking. In addition, the legislation of the Member States on immigration
must respond to or be tolerant of concerns about incitement, assistance and
trafficking (Rantsev, cited above, § 287).
88.
Secondly, under certain circumstances, the State is under an obligation to take
concrete measures to protect victims of or proven to be victims of treatment
contrary to Article 4. Like Articles 2 and 3 of the Convention, Article 4 may,
in certain circumstances, impose such obligations on the State (LE v. Greece,
no. 71545/12, § 66, 21 January 2016). In order for a positive obligation to
take concrete action in a given case it must be demonstrated that the
authorities of the State had or should have knowledge of circumstances that
might reasonably be suspected that an individual was subject, In actual and
immediate danger of being, to trafficking or exploitation within the meaning of
Article 3 (a) of the Palermo Protocol and Article 4 (a) of the Anti- Europe. If
this is the case and the authorities do not take appropriate measures within
their powers to relieve the individual from the situation or risk in question,
there is a violation of Article 4 of the Convention (ibid., Para. 66).
89. Third,
Article 4 imposes a procedural obligation to investigate potential trafficking
situations. The obligation to investigate does not depend on a complaint by the
victim or a relative: once the matter has been brought to their attention, the
authorities must act (see, Rantsev, cited above, § 232; Dink v. Turkey, nos
2668/07, 6102/08, 30079/08, 7072/09 and 7124/09, § 76, 14 September 2010, and
Paul and Audrey Edwards v. The United Kingdom, No. 46477/99, § 69, ECHR
2002-II). To be effective, the investigation must be independent of the persons
involved in the facts. It must also make it possible to identify and punish
those responsible. This is an obligation not of result, but of means. A
requirement of promptness and due diligence is implicit in all cases, but where
it is possible to remove the individual concerned from a harmful situation, the
investigation must be carried out as a matter of urgency. The victim or
relative must be involved in the proceedings to the full extent necessary for
the protection of their legitimate interests (see, mutatis mutandis, Paul and
Audrey Edwards, cited above, §§ 70-73).
90. The
Court also recalls that the term "forced labor" refers to the idea of
a physical or moral constraint. As to the term "compulsory labor",
they can not cover any legal obligation whatsoever. For example, work to be
performed under a contract freely entered into can not fall within the ambit of
Article 4 of the Convention, merely because one of the two contracting parties
has made a commitment to the other, And is liable to penalties if he fails to
honor his signature. It must be a work "required ... under the threat of
any penalty" and, moreover, contrary to the will of the person concerned,
for whom " Offered voluntarily "(Van der Mussele v. Belgium, 23
November 1983, § 37, Series A no. 70, and Siliadin, cited above, § 117). In Van
der Mussele (cited above, § 37) the Court found that the "relative
value" of the prior consent test was applied and took an approach which
takes into account all the circumstances of the case. In particular, it
observed that, depending on the circumstances and circumstances, an individual
"can not be said to have offered himself voluntarily" to perform
certain tasks. Accordingly, the validity of the consent must be assessed in the
light of all the circumstances of the case.
91. In
order to clarify the concept of "work" within the meaning of Article
4 § 2 of the Convention, the Court specifies that any work exacted from an
individual under the threat of a "punishment" does not necessarily
constitute Forced or compulsory labor "prohibited by that provision. It is
necessary to take into account, in particular, the nature and volume of the
activity in question. These circumstances make it possible to distinguish between
"forced labor" and work which can reasonably be required for mutual
assistance or cohabitation. In this regard, the Court in Van der Mussele (cited
above, § 39) relied in particular on the concept of 'disproportionate burden'
in determining whether a trainee lawyer was subject to compulsory labor when he
was required That it provides free of charge the defense of clients as legal
counsel (CN and V. v. France, no. 67724/09, §74, 11 October 2012).
Ii.
Application of these principles in the present case
92. The Court
notes at the outset that the parties do not dispute the applicability of
Article 4 in the present case.
93. The
Court reiterates that there can be no doubt that trafficking infringes the
human dignity and fundamental freedoms of its victims and can not be considered
compatible with a democratic society or with the Values enshrined in the
Convention (Rantsev, cited above, § 282). It refers to its relevant case-law
which has already recognized that trafficking in human beings falls within the
scope of Article 4 of the Convention (see, in particular, Rantsev, cited above,
§§ 272-282). It is true that the present case does not concern sexual
exploitation, as was the case in the Rantsev case. However, exploitation
through labor is also an aspect of trafficking in human beings and the Greek
courts have examined the case from this angle. This is clear from the wording
of Article 4 (a) of the Council of Europe Anti-Trafficking Convention which
provides, inter alia, that "exploitation shall include, as a minimum, the
exploitation of the prostitution of others or Other forms of sexual
exploitation, forced labor or services, slavery or practices similar to
slavery, servitude or removal of organs "(see paragraph 42 above). In
other words, exploitation of labor is one of the forms of exploitation in the
definition of trafficking in human beings, which highlights the intrinsic
relationship between forced or compulsory labor and trafficking in human beings
(see also Paragraphs 85-86 and 89-90 of the Explanatory Report to that
Convention, paragraph 43 above). The same idea is clearly reflected in section
323A CC, as applied in this case (see paragraph 33 above).
94. In the
present case the Court notes that the applicants were recruited at various
dates between October 2012 and February 2013 and that they worked at least
until the date of the incident, namely 17 April 2013, Without having received
the agreed wage and due till then. If their employers offered shelter and cover
for a modest price (EUR 3 per day), their living and working conditions were
particularly harsh: they worked in greenhouses from 7 am to 7 pm every day,
Strawberries under the control of armed foremen at the TA service; They lived
in makeshift huts made of cardboard, nylon and bamboo and lacking toilets and
running water; Their employers did not pay them and warned them that they would
only receive their wages if they continued to work.
95. The
Court also observes that the applicants did not have a residence permit or a
work permit. The applicants were aware that their irregular situation put them
at risk of being arrested and detained with a view to their deportation from
Greek territory. An attempt to leave their work would no doubt have increased
this prospect and would have meant the loss of any hope of touching their due
or at least part of it. Furthermore, the applicants, who had not received any
salary, could neither live in Greece nor leave Greece.
96. The
Court further considers that where an employer abuses his power or takes
advantage of the vulnerability of his workers in order to exploit them, they do
not offer their work voluntarily. The prior consent of the victim is not
sufficient to exclude the classification of forced labor. The question of
whether a person voluntarily offers his or her job is a factual issue that must
be considered in light of all the relevant circumstances of a case.
97. In the
present case the Court notes that the applicants began working in a situation
of vulnerability as irregular migrants without resources and at risk of being
arrested , Detained and deported. They probably realized that if they stopped
working, they would never collect the arrears of their wages, the amount of
which was constantly increasing as the days passed. Even assuming that, at the
time of hiring, the applicants volunteered their work and believed in good
faith that they would receive their wages, the situation subsequently changed
as a result of Their employers.
98. The
Court also observes that in its pleadings before the Assize Court in Patras the
public prosecutor set out certain facts which were not called into question by
the latter in its judgment. In particular, the workers had not been paid for
six months, they had only received a very small sum for their food, deducted
from wages, and their employer had promised them that he would pay them later.
The accused, without scruple, imposed themselves by threats and the weapons
they carried on them. The workers worked in extreme physical conditions, had an
exhausting schedule and were subject to constant humiliation. On April 17,
2013, the employer informed the workers that he would not pay them and that he
would kill them if they did not continue to work for him. The workers did not
obey the threat and he told them to leave and warned them that he would take
another team in their place and burn their huts if they refused to leave. By
promising them rudimentary shelter and a daily wage of EUR 22, which was the
only solution for survivors to ensure a means of subsistence, the employer had
been able to obtain their consent at the time of hiring in order to Operation.
99. The
Court considers, of course, that the applicants' situation did not amount to an
easement. In that regard, she recalled that the fundamental element which
distinguished servitude from forced or compulsory labor within the meaning of
article 4 of the Convention was the feeling of the victims that their condition
was immutable and that the situation was Not capable of evolving (CN and V. v.
France, cited above, § 91). If that were the case of the first applicant in the
case of C.N. and V. v. France (idem, § 92), in this case, the applicants could
not feel such a feeling since they were all seasonal workers recruited for the
harvesting of strawberries. However, by stating that the applicants' working
and living conditions did not lead them to live in a state of exclusion from
the outside world without the possibility of abandoning that employment
relationship and seeking other employment (paragraph 26 above), the Assize
Court in Patras appears to have confused easement with trafficking in human
beings or forced labor as a form of exploitation for the purpose of
trafficking.
100. The
facts of the case, and in particular the applicants' working conditions, most
of which were highlighted by the judgment of the Assize Court and which are
not, moreover, disputed by the Government, clearly demonstrate That they
constitute trafficking in human beings and forced labor. The facts in question
are consistent with the definition of trafficking in human beings in Article 3a
of the Palermo Protocol and Article 4 of the Council of Europe Anti-Trafficking
Convention, an offense set out in Article 323A of the PC, which reproduces in
substance the definitions contained in the above-mentioned international instruments.
In this regard, the Court reiterates that it is not its task to take the place
of the domestic courts. It is primarily for national authorities, especially
courts and tribunals, to interpret domestic legislation. Its role is limited to
verifying the compatibility with the Convention of the effects of such an
interpretation (Nejdet Şahin and Perihan Şahin v. Turkey [GC], No. 13279/05, §
49, 20 October 2011).
The Court
notes, moreover, that according to Article 28 of the Greek Constitution,
international treaties, after their ratification by law and their entry into
force, form an integral part of domestic law and have a value superior to any
contrary provision of the law. From this provision arises the obligation for
the courts to interpret domestic law taking into account the international
texts binding on Greece. In the present case, national courts have interpreted
and applied very narrowly the concept of trafficking in human beings by
identifying it or almost to that of servitude.
101. The
Court therefore concluded that the applicants' situation fell within the scope
of Article 4 § 2 of the Convention in respect of trafficking in human beings
and forced labor.
102. It is
now necessary to consider whether the respondent State has fulfilled its positive
obligations under that provision.
(B) The
positive obligations of the respondent State under Article 4 of the Convention
103. The
Court reiterates that Article 4 of the Convention may, in certain
circumstances, require the State to take concrete measures to combat
trafficking in human beings and to protect the victims or potential victims of
trafficking (see paragraphs 87-89 above).
104. In
particular, the positive obligations on Member States under Article 4 of the
Convention must be interpreted in the light of the aforementioned Council of
Europe Convention and require, in addition to the adoption of measures
Prevention, protection of victims and investigation, criminalization and
effective punishment of any act aimed at the maintenance of a person in such
situations (Siliadin, cited above, § 112). The Court draws its inspiration from
this Convention and from the manner in which it is interpreted by GRETA.
I. The
obligation to put in place an appropriate legal and regulatory framework
105. In
order to fulfill the positive obligation to criminalize and effectively punish
any act referred to in article 4 of the Convention, States must establish a
legislative and administrative framework prohibiting and punishing forced or
compulsory labor, Servitude and slavery (see Siliadin, cited above, §§ 89 and
112, see, mutatis mutandis, Rantsev, cited above, § 285 and LE v. Greece, cited
above, §§ 70-72). Thus, in order to determine whether there has been a
violation of Article 4 of the Convention, account must be taken of the legal
and regulatory framework in force (Rantsev, cited above, § 284).
106. The
Court notes, first, that Greece had ratified or signed, long before the facts
of the present case, the major international instruments relating to the fight
against slavery and forced labor (see paragraph 37 above ). In addition, Greece
ratified both the Palermo Protocol of December 2000 and the Council of Europe
Convention on Action against Trafficking in Human Beings of 16 May 2005. In
addition, Greece had transposed into its legal order the Framework Decision
2002/629 / JHA of the Council of the European Union and the text which replaced
it, namely Directive 2011/36 of the European Parliament and of the Council of
the European Union (paragraphs 46-47 Above).
107. The
Court notes, moreover, that the CP does not contain any specific provisions
relating to forced labor, whereas Article 22 § 4 of the Constitution prohibits
all forms of compulsory labor. By contrast, Law No 3064/2002 transposing into
the Greek legal order Framework Decision 2002/629 / JHA of the Council of the
European Union on combating trafficking in human beings, although it targeted
material Other than forced labor or servitude, introduced, as its title
indicated, regulations to combat trafficking in human beings. Article 323A has
thus been incorporated into the CP as part of this transposition. In its first
paragraph, this article punishes anyone who, through the use of force or the
threat of such use or other coercive means or abuse of power, recruits,
transports, introduces The territory, holds, protects, delivers - with or
without consideration - or causes a person to be released from a third party
for the purpose of removing cells, tissues or organs or exploiting, On the
other, his work or his begging. In its third paragraph, it punishes the person
who accepts the work provided by a person subject to the conditions described
in the first paragraph (see paragraph 33 above).
108.
Finally, Act No. 4198/2013 on combating trafficking in human beings, which
incorporated into the Greek legal order Directive No. 2011/36 of the European
Parliament and of the Council of the European Union, amended Code of Criminal
Procedure in the sense of better protection for victims of trafficking in
proceedings before the judicial authorities (see paragraph 36 above).
109. The
Court then finds that Greece has essentially complied with the positive
obligation to establish a legislative framework for combating trafficking in
human beings. It remains to be seen whether the other positive obligations have
been met in this case.
Ii. Operational measures
110. The
Court recalls that the Council of Europe Convention on Action against
Trafficking in Human Beings draws the attention of the member states to a range
of measures to prevent trafficking and to protect the rights of victims.
Preventive measures include measures to strengthen coordination at the national
level between the various anti-trafficking bodies and to discourage the demand
for all forms of exploitation of persons, including border controls To detect
milking. Protective measures include facilitating the identification of victims
by trained persons and assisting victims in their physical, psychological and
social recovery
111. In the
present case, the Court notes at the outset that, well before the incident of
17 April 2013, the situation in the strawberry fields of Manolada was known to
the authorities and attention was drawn to reports And press articles (see
paragraphs 54-55 above). Thus, not only debates were held in Parliament on this
subject, but three ministers - namely, Labor, Health and Interior - ordered
inspections and the preparation of texts aimed at improving the The situation
of migrants. However, it must be noted that this mobilization has not led to
any concrete results.
112. The
Court further observes that in a report of April 2008 the Ombudsman of the
Republic alerted several government ministries and agencies and the Public
Prosecutor's Office about this situation (see paragraphs 48-52 above) . The
Ombudsman of the Republic pointed out that the working relations between
migrants and their employers were characterized by uncontrolled exploitation of
the former by the latter, which recalled that of the years of the industrial
revolution. He noted that these reports were governed by the physical and
economic domination of the employers and that the State was totally absent. He
recommended the adoption of a series of measures by the authorities.
113. The
Court notes, however, that the authorities' reaction was punctual and that they
did not, until at least 2013, provide a general solution to the problems
encountered by migrant workers in Manolada.
114. The
Court also notes that the Amaliada police station appeared to be aware of the
refusal of the applicants' employers to pay their salaries to the applicants.
She refers in this connection to the testimony of one of the police officers at
the hearing before the Assize Court, which stated that certain farm workers had
gone to the police station to complain about the refusal (paragraph 21 Above).
115. In the
light of the foregoing, the Court considers that the operational measures taken
by the authorities were not sufficient to prevent trafficking in human beings
and to protect the applicants from the treatment they were subjected to.
Iii.
Effectiveness of investigation and judicial proceedings
116. In
order to be effective, the investigation into exploitation must make it
possible to identify and punish those responsible. This, however, is an
obligation of means and not of result (Rantsev, cited above, § 288). A
requirement of promptness and due diligence is implicit in all cases, but where
it is possible to avoid an injurious situation, the investigation must be
conducted urgently (ibid.). As to what form of investigation is likely to
achieve the aforementioned objectives, this may vary according to
circumstances. However, whatever the modalities adopted, the authorities must
act ex officio as soon as the matter is brought to their attention (see C.N. v.
The United Kingdom, no. 4239/08, § 69, 13 November 2012). Moreover, and in
general terms, the Court considers that the obligation to investigate
effectively binds the prosecuting authorities and the judicial authorities in
this matter. Where such authorities establish that an employer would have used
trafficking in human beings and forced labor, they should derive, within their
respective spheres of competence, all consequences arising from the application
of the relevant law enforcement provisions.
(Α) As regards the applicants who did
not participate in the proceedings before the Assize Court
117. The
Court notes that in their complaint of 8 May 2013, this group of applicants set
out two sets of complaints of a different nature. On the one hand they claimed
that they were employed in the exploitation of TA and NV under conditions of
trafficking in human beings and forced labor and relied on Article 323A CC and
the "Palermo Protocol" Aimed at the prevention, punishment and
punishment of trafficking in persons. On the other hand, they alleged that at
the time of the incident they were also present at the scene of the incident
and that they had gone there to claim their unpaid wages and that they were therefore
Victims of the offenses committed against the other 35 complainants
118. In
order to reject the applicants' request, the Amaliada public prosecutor
explained that if they had actually been the victims of the offenses they
alleged, they would have seized the police authorities immediately, as early as
17 April 2013, As the other 35 workers had done, and they would not have waited
until 8 May 2013. He considered that the assertion that the complainants had
been afraid and left their huts was not credible on the grounds that They were
in the immediate vicinity of the scene of the incident and that, as soon as the
police arrived, the persons concerned could have returned to the scene to
denounce the facts in dispute. He further noted that only four of the complainants
heard that they had been injured and that, unlike the aforementioned workers,
none of the four workers had gone to the hospital. Finally, he noted that all
the complainants had stated that they had made statements to the police after
learning that they would receive residence permits as victims of trafficking in
human beings.
119. It is
clear from the abovementioned reasons in the Prosecutor's decision of 4 August
2014 that the rejection of the applicants' complaint was based on
considerations related to the alleged assault, in particular as regards the
presence of the latter on 17 April 2013 at the scene of the incident and
whether they had been targeted by gunshots or injuries. There is nothing in the
decision to demonstrate that the prosecutor really examined the part of the
applicants' complaint relating to trafficking in human beings and forced labor.
The Court noted that the police had questioned each of the twenty-one
applicants who had signed minutes containing their statements, sworn and accompanied
by their photographs, and had transmitted these statements to the public
prosecutor (see paragraph 13, above).
120. The
Court considers that, in failing to ascertain whether the allegations of that
group of applicants were well founded, the public prosecutor failed to fulfill
his obligation to investigate even though he had the factual evidence to
suggest that the applicants were engaged By the same employers as the
applicants who took part in the proceedings before the Assize Court and were working
under the same conditions as those to which they were subject.
121. The
Court also considers that, in rejecting the applicants' request on the grounds,
inter alia, that they were late in bringing the matter before the police
authorities, the public prosecutor disregarded the regulatory framework
governing trafficking in human beings. Indeed, Article 13 of the Council of
Europe Convention on Action against Trafficking provides for a
"restoration and reflection period" of at least thirty days for the
person concerned to be able to recover and escape The influence of the
traffickers and knowingly take a decision on its cooperation with the
authorities (see paragraph 42 above).
122. In
light of the above, the Court rejects the Government's objection as victims of
the applicants who did not participate in the proceedings before the Assize
Court and considers that there has been a violation of Article 4 § 2 of the
Convention on the basis of the procedural obligation to carry out an effective
investigation into the situation of trafficking in human beings and forced
labor complained of by these applicants.
(B) As to
the applicants who participated in the proceedings before the Assize Court
123. The
Court observes that the Patras Assize Court acquitted the defendants of the
count of trafficking in human beings, noting that the workers were not
absolutely unable to protect themselves and that their freedom Movement was not
compromised, on the grounds that they were free to leave their work (see
paragraphs 26-27 above). However, the Court considers that the restriction on
freedom of movement is not a sine qua non condition for describing a situation
of forced labor or even trafficking in human beings. This form of restriction
refers not to the provision of the work itself but rather to certain aspects of
the life of the victim of a situation contrary to Article 4 of the Convention,
and in particular to a situation of servitude. On this point the Court
reiterates its finding that Patras Assize Court had a narrow interpretation of
the concept of trafficking, which relied instead on elements specific to
servitude in order not to classify the applicants' situation as trafficking
(See paragraph 100 above). However, a situation of trafficking can exist
despite the freedom of movement of the victim.
124. Thus,
the Patras Assize Court not only acquitted the defendants of the charge of
trafficking in human beings, but also transformed the sentences imposed on both
of them for personal injury Payment of a fine of EUR 5 per day of detention.
125.
Furthermore, in the present case the Court notes that the public prosecutor at
the Court of Cassation refused to appeal in cassation against the acquittal. At
the allegation of the workers' lawyers that the Assize Court had not adequately
examined the charge of trafficking in human beings, the public prosecutor
replied without any further reasoning that "the conditions laid down by
the law to form Appeal were not met "(see paragraphs 30-31 above).
126.
Finally, the Court finds that, even in the context of the conviction of TA and
one of the armed guards for serious bodily injury, the Assize Court only
ordered them to pay a sum of 1,500 EUR, ie EUR 43 per injured worker (see
paragraph 22 above). Article 15 of the Council of Europe Convention on Action
against Trafficking in Human Beings obliges Contracting States, including
Greece, to provide in their domestic law for the right of victims to be
compensated By the perpetrators of the offense and to take steps to, inter
alia, establish a compensation fund for the victims.
127. In the
light of these circumstances, the Court finds that there has been a violation
of Article 4 § 2 of the Convention as a result of the State's procedural
obligation to ensure effective investigation and judicial The situation of
trafficking in human beings and forced labor denounced by these applicants.
Iv.
Conclusion
128. There
has therefore been a violation of Article 4 § 2 on account of the failure of
the respondent State to fulfill its positive obligations under that provision,
namely the obligations to prevent the situation of trafficking in human beings,
To protect victims, to effectively investigate offenses and to punish those
responsible for trafficking.
II.
APPLICATION OF ARTICLE 41 OF THE CONVENTION
129. According
to article 41 of the Convention,
"If
the Court declares that there has been a violation of the Convention or the
Protocols thereto, and if the internal law of the High Contracting Party
permits only partial remedies to be waived, the Court shall grant the party
Injured party, where appropriate, just satisfaction. "
A. Damage
130. In
respect of pecuniary damage, the applicants claimed their unpaid wages, the
amounts of which varied from EUR 400 to EUR 2 800 and were annexed to their
application to the Court. They stated that their employers did not keep a
record of the hours worked by each of them and had delegated this task to the
team leaders. They add that the prosecutor relied on their testimony before the
Assize Court and that the authorities did not seek to verify or question the
veracity of the evidence. They consider that the unpaid wages have a causal
relationship with the violation of Article 4 of the Convention, which they
claim: trafficking in human beings and forced labor suffered by them are linked
to a breach of The State to take preventive measures in this regard and the
lack of compensation is linked to a failure by the State to punish and protect
victims of forced labor.
131. In
respect of non-pecuniary damage, the applicants who were injured in the
incident of 17 April 2013 each claimed EUR 16 000 and those not injured claimed
EUR 12 000 each. In support of their claim, the applicants stated that they had
been in a state of distress because of their subjection to forced labor and the
conditions of forced labor which they described as degrading. They added that they
had been targeted by shooting during the above-mentioned incident and, for
some, were injured on that occasion, as well as being deprived of their
salaries and effective protection. They also indicate that after the incident
of 17 April 2013, several of them remained in the huts, hoping that their wages
would be paid to them, but that they had not even received any food.
132. With
regard to pecuniary damage, the Government submitted that the applicants' claim
was not causally related to the alleged violation of Article 4 of the
Convention and that it was vague. It considers that the applicants fail to
demonstrate the validity of the amounts claimed and that they do not explain
why they did not apply to the domestic courts to claim the corresponding sums under
Article 904 of the Civil Code , Concerning unjust enrichment.
133. As to
non-pecuniary damage, the Government asserted that the applicants who were
civil parties in the proceedings before the Assize Court could apply to the
domestic courts for compensation for the alleged non-pecuniary damage. He
considered that the applicants' claims before the Court were excessive and that
a finding of a violation constituted sufficient satisfaction. It adds that,
should the Court find it necessary to award an amount, it should not exceed EUR
5 000 for each of the applicants who had constituted themselves civil parties
in the abovementioned internal proceedings.
134. The
Court reiterates its finding that there has been a violation of Article 4 of
the Convention on account of the failure of the respondent State to fulfill its
positive obligations under that provision, namely the obligations to prevent
situations of trafficking in human beings Human rights, protect victims,
effectively investigate offenses and punish those responsible for trafficking.
The Court has no doubt that the applicants suffered pecuniary damage as a
result of the wages not paid by their employers and the decision of the Assize
Court of Patras which decided that the latter were not guilty of trafficking Of
human beings. The Court therefore considers it appropriate to grant them
compensation in this respect. However, as the case stands, the Court can not
determine a specific sum to be awarded to each of them. Ruling on an equitable
basis, the Court granted each of the applicants who had participated in the
proceedings before the Assize Court, in respect of pecuniary damage and
non-pecuniary damage sustained by them, the sum of EUR 16,000 and to each of
the other applicants 12 000 EUR, plus any tax that may be chargeable on this
amount.
B. Costs
and expenses
135. The
applicants also claimed EUR 4,363.64 for costs and expenses incurred before the
domestic courts, namely in the Assize Court for the applicants who had become
civil parties and before the public prosecutor for the others. They are not
asking for the procedure before the Court.
136. The
Government submitted that the applicants' claims were not causally related to
the alleged violation of Article 4 of the Convention. He further submits that
the supporting documents accompanying these claims do not prove that the sums
claimed were used to pay court fees or to verify the manner in which they were
calculated. It considers that, should the Court find it necessary to award a
sum, it should not exceed EUR 1 000.
137.
According to the Court's case-law, an applicant can only be reimbursed for his
costs and expenses if their reality, necessity and reasonableness are
established. Moreover, court costs are recoverable only to the extent that they
relate to the violation found (Beyeler v. Italy (just satisfaction) [GC], no.
33202/96, 28 May 2002, § 27). Finally, under Article 60 § 2 of the Rules of
Court, any claim submitted under Article 41 of the Convention must be
quantified and broken down by heading, failing which the Court may dismiss all
or part of the application ( A, B and C v. Ireland [GC], No. 25579/05, § 281,
ECHR 2010).
138. In the
light of the circumstances of the case, the documents in its possession and its
case-law, the Court awarded the entire sum claimed by the applicants for the
proceedings before the national courts.
C. Default
interest
139. The
Court considers it appropriate that the default interest should be based on the
interest rate on the marginal lending facility of the European Central Bank
plus three percentage points.
FOR THESE
REASONS, THE COURT, UNANIMOUSLY,
FOR THESE
REASONS, THE COURT, UNANIMOUSLY,
1. Attaches
to the merits the objection raised by the Government for failure to act as a
victim of the applicants who did not participate in the proceedings before the
Assize Court and rejected it;
2. Declares
the application admissible;
3. Holds
that there has been a violation of Article 4 § 2 of the Convention;
4. Said
(A) that
the respondent State is to pay, within three months from the date on which the
judgment becomes final in accordance with Article 44 § 2 of the Convention, the
following sums:
(I) each of
the applicants participating in the proceedings before the Assize Court (namely
the applicants under Nos 4, 6, 7, 8, 9, 14, 15, 19, 20, 21, 22, 23, 24 EUR
16,000 (sixteen thousand euro) and to each of the other applicants (listed
under Nos 1, 2, 3, 5, 10, 11, 12, 12,000 EUR (twelve thousand euros), for all
the losses suffered, plus any amount that may be Due as a tax;
(Ii) EUR
4,363.64 (four thousand three hundred and sixty-three euros and sixty-four
cents) together with the applicants, plus any amounts which may be payable by
the applicants as taxes for costs and expenses;
(B) from
the expiry of the above-mentioned three months until settlement, these amounts
shall be increased by simple interest at a rate equal to that of the marginal
lending facility of the European Central Bank applicable during that period,
Increased by three percentage points;
5.
Dismisses the remainder of the claim for just satisfaction.
Done in
French, and notified in writing on 30 March 2017, pursuant to Rule 77 §§ 2 and
3 of the Rules of Court.
Abel CamposKristina Pardalos